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d’Alexandrie la déclaration dont, par ordre du khédive, j’ai l’honneur de vous transmettre la copie ci-jointe. Comme vous le verrez par cette pièce, si les tribunaux continuaient à méconnaître, au point de vue de quelques intérêts, le caractère obligatoire d’une mesure législative, ils pourraient, dans des cas d’utilité ou de nécessité publique, comme celui dont il s’agit, empiéter sur le domaine des représentai des gouvernemens, tuteurs légitimes des intérêts des étrangers, et empêcher que le khédive, exerçant un droit et un devoir inaliénables de son gouvernement, ne fût à même de pourvoir, par des dispositions opportunes, aux nécessités urgentes. Dans la législation de la réforme on ne rencontre aucun texte qui puisse faire présumer que le gouvernement du khédive ou les puissances aient consenti d’une manière quelconque à accorder aux nouveaux tribunaux des facilités aussi étendues. En effet, l’article 11 du règlement d’organisation judiciaire ayant donné lieu à des notes explicatives entre l’Égypte et quelques-unes des puissances intéressées, il a été établi d’une manière expresse que les tribunaux ne pourraient s’arroger le droit de prononcer sur des mesures d’ordre général et fiscal, ce qui est évidemment applicable à la mesure qui nous préoccupe aujourd’hui. L’article 12 du code civil, auquel la cour fait également allusion, dispose que les additions et modifications aux présentes lois (c’est-à-dire aux codes de la réforme) seront édictées sur l’avis conforme de la magistrature. Mais il est évident que cet article prévoit un cas spécial et exceptionnel. Si, quand il s’agit d’ajouter un ou plusieurs articles aux codes ou d’en modifier quelques autres, le pouvoir législatif de l’Égypte doit s’exercer suivant le mode prescrit dans cet article, il s’ensuit que lorsqu’il s’agit de tout autre cas, celui, par exemple, de pourvoir à une nécessité d’ordre public par une mesure législative, on ne doit pas suivre la règle fixée par l’article 12, et au cas où cette mesure viendrait à froisser les droits ou les intérêts des étrangers, ce serait naturellement une question qui ne pourrait être traitée et décidée qu’avec les représentans des puissances.


Le gouvernement égyptien écrivait mal, mais il raisonnait fort bien. Par malheur, la faillite dans laquelle il était tombé avait indisposé tout le monde contre lui ; la cour d’appel d’Alexandrie était soutenue par l’opinion publique : elle était sûre de n’être pas désavouée par les gouvernemens, qui s’opposaient de toutes leurs forces aux mesures financières du khédive et qui songeaient uniquement à sauver les intérêts menacés des créanciers. Le temps n’était plus où M. le duc Decazes déclarait que la nouvelle justice était « un pouvoir institué pour la connaissance des contestations purement civiles, » et qu’il fallait avoir grand soin « de séparer le contentieux administratif de la juridiction civile ou commerciale attribuée seule aux nouveaux tribunaux. » Le temps n’était plus également