Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des pouvoirs, essentiel parce qu’il définit leurs attributions et assure leur respective indépendance.

Le tribunal ne saurait fermer les yeux sur les conséquences d’une déclaration contraire. Le gouvernement considère comme engagés les droits de sa prérogative souveraine ; et d’ordre de Son Altesse le khédive, nous venons déclarer que son gouvernement ne peut, sans manquer à ses devoirs supérieurs envers lui-même et envers son peuple, discuter en justice le principe même des lois qu’il croit les plus propres à maintenir et à développer la prospérité publique. La sentence du juge a droit au respect de tous ; dans la sphère qui est sienne tous lui doivent obéissance, et le devoir du gouvernement est de donner à tous l’exemple de cette soumission ; mais dans la sphère législative et souveraine, le devoir du gouvernement est de revendiquer en sa personne l’indépendance de tous.


Peut-être la déclaration qu’on vient de lire était-elle critiquable sur un point : les nouveaux tribunaux ne devaient pas, sans se préoccuper des prescriptions des traités et du code civil, appliquer purement et simplement toutes les lois qu’il plaisait au gouvernement égyptien d’édicter ; mais, dans les cas douteux, ils n’avaient qu’à proclamer leur incompétence, laissant aux puissances le soin d’établir dans des négociations diplomatiques la légalité ou l’illégalité de ces lois. Agir autrement, se faire juge de la loi, c’était, comme le remarquait fort bien la déclaration, non-seulement méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, non-seulement porter atteinte à la puissance législative de l’Égypte, mais encore empiéter sur l’autorité des puissances et sortir résolument du terrain judiciaire pour se placer sur le terrain politique, dont la diplomatie française, on l’a vu, avait cherché par tous les moyens à exclure les tribunaux. Lorsque l’arrêt de la cour d’Alexandrie fut rendu, le ministre des affaires étrangères d’Égypte adressa aux agens et consuls généraux une circulaire dans laquelle il précisait les griefs de son gouvernement contre cet arrêt. En voici le passage principal :


Tout en ayant confiance que les tribunaux reviendront eux-mêmes à une détermination plus exacte de l’étendue de leurs pouvoirs, le gouvernement du khédive, dans le doute que son silence sur cette importante question ne pût être interprété comme un oubli du devoir qui lui incombe de maintenir ses attributions telles qu’elles sont définies dans les conventions et les notes échangées avec les puissances et de sauvegarder intacts l’exercice des prérogatives gouvernementales ainsi que l’application des principes du droit des gens, a pris le parti de faire présenter oralement par ses conseils à l’audience du tribunal