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d’indépendance. Dans la vie sociale, dans le monde, hors de l’hôpital, le médecin, par sa position scientifique, par ses relations, presque toujours par sa fortune, occupe un rang bien supérieur à celui du directeur, de l’économe ou de l’agent administratif chargé de la gestion de l’hôpital auquel ce médecin est attaché. Nous ne sommes pas, que M. le ministre le sache bien, les subordonnés de l’administration des hôpitaux dans le sens qu’on donne à ce mot. Pour le médecin militaire français, au contraire, cette subordination est complète, comme est dans la vie militaire toute subordination. Le médecin d’hôpital civil réclame le droit de peser de toute son autorité scientifique sur la direction du service hospitalier, mais il n’accepterait pas d’être le directeur de l’hôpital. Ce qui est logique pour le médecin en chef d’un asile d’aliénés, ce qui est logique pour les médecins directeurs des hôpitaux civils étrangers, lesquels n’ont pas d’autre rôle à remplir que celui de diriger l’établissement qui leur est confié et dont les appointemens sont en rapport avec les fonctions, serait pour le médecin d’hôpital civil français une charge inacceptable. Nos fonctions hospitalières étant presque toujours gratuites, ou à peu près, ce n’est pas l’hôpital, mais la clientèle qui nous fournit nos ressources ; si donc nous pouvons donner par amour pour la science, par dévouement pour l’humanité, une grande part de notre temps au traitement des malades que renferme l’hôpital, nous ne saurions par surcroît nous charger de la direction de l’hôpital lui-même. Le médecin militaire, au contraire, n’ayant et ne devant avoir à s’occuper d’autre chose que de son service hospitalier, peut donner à l’administration, à la gestion de l’hôpital tout le temps que lui laissent disponible ses fonctions plus directement médicales.

Si les hôpitaux civils français sont, en général, administrés par des commissions administratives, il y a pour cela d’excellentes raisons qui n’existent pas pour les hôpitaux militaires. Si les hôpitaux civils reçoivent très souvent une subvention de la caisse municipale, la plus grande partie, ou du moins une grande partie de leurs ressources provient de revenus de propriétés, de rentes, résultats de dons, de legs ou de souscriptions. Il faut gérer ces propriétés, passer des baux, recueillir des fermages, élever des constructions, veiller à leur entretien, et tout cela n’est nullement dans le rôle du médecin. Pour les hôpitaux militaires, c’est tout autre chose ; ces établissemens trouvent dans le budget de la guerre les revenus dont ils ont besoin, et le médecin, pas plus que l’intendant, ne sont chargés de faire rentrer les impôts.

Enfin, tous les malades ne sont pas admis de droit dans les hôpitaux civils et surtout dans les hospices. Il y a des conditions