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installer dans un de nos camps un hôpital complet pour mille malades, de les nourrir même et de les traiter si on le désirait.

Deux épidémies terribles frappèrent l’armée française en Turquie et en Crimée : en 1854 le choléra, en 1855 le typhus ; l’un importé et dont on peut arrêter l’extension par des précautions contre la contagion, l’autre qui naît sur place, mais dont on peut empêcher le développement ou tout au moins diminuer les ravages, puisque les médecins savent pourquoi il se développe et comment il se propage. Aussi les médecins français, privés de toute initiative, firent-ils un incessant appel à cette intendance militaire qui possède seule le droit d’agir ; et lorsqu’il s’adressèrent au général en chef, leur situation subalternisée nuisit à leur influence légitime auprès du commandement lui-même. En vain, Scrive, Baudens, Michel Lévy réclament l’érection de baraques ; en vain ils signalent les dangers de l’encombrement qui augmente le mal, les dangers des évacuations de malades d’un lieu sur un autre, évacuations qui, par la contagion, font naître la maladie là où elle n’était pas et qui sèment la mort et le deuil partout ou elles passent : rien ne se fait, ou le peu qu’on fait se fait trop tard.


Constantinople, 12 juillet 1854.

Que Votre Excellence me permette cet aveu, je suis effrayé de la fixation de deux mille cent malades pour l’hôpital de Pera ; le bel édifice… ne sera bientôt plus qu’un foyer d’infection. Cinq cents à six cents malades par hôpital, tel est le chiffre que l’expérience autorise. — MICHEL LEVY.


Résultat :


Constantinople, 29 novembre 1854.

Depuis que l’hôpital de Pera compte plus de douze cents malades, l’infection purulente s’y multiplie chez les blessés. Si je n’étais pas un directeur purement nominal du service de santé, j’aurais le droit et l’initiative nécessaires pour prévenir de pareils dangers ; mais j’ai dû me borner à les notifier à M. l’intendant, qui me répond placidement : « Je les déplore avec vous, mais le moment ne me paraît pas venu d’y apporter le remède que vous indiquez. » — MICHEL LEVY.


Autre exemple :


L’hôpital Daoud-Pacha aura mille deux cents lits de malades au premier étage ; son rez-de-chaussée loge mille cinq cents soldats convalescens ; sa cour est encombrée de tentes abris qu’habitent d’autres militaires sortis de convalescence. Voilà un hôpital créé contre mon