Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/893

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’income-tax déjà voté. C’était là une manœuvre aussi habile que hardie ; par le bill sur la destruction de gibier à poil et par la suppression de l’impôt sur la drèche, le nouveau cabinet réalisait, dès les premiers mois de son existence, deux des réformes que les fermiers souhaitaient avec le plus d’ardeur et qu’ils avaient vainement attendues de ce parti conservateur dont ils étaient le principal appui. Le dépit des financiers conservateurs dut être d’autant plus vif qu’il leur était impossible de combattre une réforme qu’ils avaient si souvent et si inutilement fait espérer à leurs électeurs. Le nouveau budget ne rencontra donc point d’opposition sérieuse. M. Gladstone se mit aisément d’accord avec M. Bass, M. Whitehead, M. Watney et les autres grands brasseurs qui siègent à la chambre, au moyen de légères concessions sur la graduation du droit et sur le mode de perception. A ceux qui lui opposèrent ses discours contre l’établissement d’un droit direct sur la bière, il répondit que l’abandon presque complet de la fabrication de la bière de ménage par les particuliers et la disparition graduelle des petites brasseries lui faisaient juger possible ce qu’il avait autrefois considéré comme impraticable, A l’un des députés de la cité, à M. Hubbard, qui s’est fait une spécialité de poursuivre la réforme de l’income-tax, M. Gladstone répondit qu’il ne méconnaissait ni les imperfections ni les inégalités de cet impôt ; mais que personne n’avait encore indiqué un moyen pratique d’y remédier. Pitt, sir Robert Peel, une commission d’enquête nommée par le parlement n’avaient rien trouvé, et lui-même avait consacré quatre ou cinq mois à cette étude sans aboutir. Il fallait ou renoncer à l’impôt sur le revenu ou se résigner à le maintenir tel qu’il était. On rappela immédiatement à M. Gladstone qu’à la veille des élections générales de 1874, il en avait promis la suppression. Il répondit sèchement que la situation avait changé, que de grandes modifications avaient été introduites dans le système des impôts, que ce qui était possible il y a six ans ne l’était plus dans les circonstances actuelles et qu’il conservait l’impôt sur le revenu comme un instrument utile pour alléger à l’occasion les charges du commerce et de l’industrie. Cette réponse n’était pas de nature à satisfaire les contribuables assujettis à l’income-tax, qui se trouvaient les seuls sacrifiés dans le plan du premier ministre. Ce fut par là qu’un conservateur, lord George Hamilton, essaya d’attaquer M. Gladstone ; il soutint qu’il y avait injustice à faire expier à une classe de contribuables, par une augmentation d’impôt, l’avantage que les consommateurs de bière retireraient d’un abaissement dans le prix de cette boisson ; et il prétendit prouver que toute chance de traiter avec la France ayant disparu pour cette année, il n’était plus nécessaire d’augmenter l’income-tax pour rétablir l’équilibre entre les