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1827 à propos de la question catholique, Peel enfin, l’espoir de la réaction politique et religieuse, reniât à ce point son passé. Quand le doute ne fut plus possible, la colère éclata : elle fut sans bornes. Peel fut traité d’apostat. On déclara que le pape lui devait une place dans le calendrier et qu’on allait bientôt apprendre la canonisation de saint Peel. Des manifestations protestantes s’organisèrent. Le cri de : A bas le papisme ! retentit dans les rues, comme au temps de Charles II et de la reine Aune. Des pamphlets furent répandus à profusion pour exciter les passions populaires contre les catholiques, en rappelant les massacres de la Saint-Barthélémy et les horreurs de l’inquisition. Peel, imperturbable et froid, ne se laissa pas ébranler par cette agitation. Il avait rallié le gouvernement à son opinion, il avait obtenu, non sans peine, l’assentiment du roi ; il était assuré de la majorité dans les chambres : la moitié du parti tory le suivait dans son évolution, et le parti libéral ne pouvait lui refuser son concours dans cette occasion. Dès l’ouverture de la session, il proposa la grande mesure qui mettait enfin les catholiques sur le pied de l’égalité avec les protestans et transformait l’émancipation partielle, commencée par Grattan et Pitt, en une émancipation complète. Les catholiques, moyennant la prestation d’un serment qui ne pouvait à aucun degré alarmer leur conscience, avaient désormais le libre accès à tous les emplois militaires ou civils, à l’exception de la vice-royauté d’Irlande et des deux postes de chancelier d’Angleterre et de chancelier d’Irlande. Peel profita de cette grande réforme pour obtenir deux mesures qu’il jugeait nécessaires : l’association catholique fut nominativement et formellement dissoute ; les électeurs à 40 shillings furent supprimés en Irlande et le cens électoral porté à dix livres (250 francs). Le parti libéral vota ces deux propositions en silence. C’était la rançon de l’émancipation des catholiques. Personne ne se permit de la marchander ; on aurait trop craint de compromettre le grand résultat qu’on allait obtenir.

Ainsi se terminait enfin, par le triomphe du droit et de la liberté, une des luttes politiques les plus longues et les plus acharnées dont l’histoire fasse mention. Quarante ans s’étaient écoulés depuis que Burke avait réclamer l’émancipation des catholiques ; depuis que Pitt avait ambitionné l’honneur d’attacher son nom à cette grande réforme. Pendant ces quarante ans, la face du monde avait été renouvelée. la première république française avait eu le temps de naître et de mourir. Napoléon avait eu le temps de parcourir le cycle entier de sa prodigieuse destinée, depuis Toulon jusqu’à Sainte-Hélène. La Pologne avait disparu ; le saint-empire romain germanique s’était dissous ; les républiques de Venise et de Gênes