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lui ouvrir les portes du palais. Si maintenant, en sortant de Saint-James, il fait tourner sa voiture du côté de Westminster et se présente pour réclamer sa place dans la chambres des lords, le talisman a perdu toute son efficacité. Les mots de juridiction temporelle ou civile n’ont plus de vertu. Il faut qu’il tienne un langage différent ; il faut qu’il refuse au pape la juridiction ecclésiastique et spirituelle. Quelle contradiction ! quel manque de logique ! Et cependant ce n’est ni la seule ni la plus étrange anomalie que je rencontre dans la situation des pairs catholiques. Nous avons assisté, il n’y a pas bien longtemps, au couronnement du souverain. Qui a marché en tête des barons du royaume ? Lord Clifford, un pair catholique. Qui a rendu hommage à sa majesté au nom des membres les plus élevés de la pairie ? Le duc de Norfolk, un pair catholique. Qui a été désigné par le roi pour remercier cette brillante réunion du toast qui avait été porté à sa majesté ? Encore le duc de Norfolk. Vous figurez-vous les ambassadeurs des puissances étrangères transmettant à leurs gouvernemens les détails de cette cérémonie ? Peut-il leur entrer dans l’esprit que le duc de Norfolk, lord Clifford, d’autres encore, qui représentent comme ces deux personnages une longue et illustre série d’ancêtres, vont être mis de côté le lendemain de la cérémonie en même temps que les bannières qui ont orné la salle et les lustres qui l’ont éclairée ? Peut-il leur entrer dans l’esprit que le premier duc d’Angleterre n’a d’autre rôle et d’autre utilité que de figurer dans une cérémonie, et qu’après avoir marché aujourd’hui à la tête des pairs du royaume, il n’a pas le droit demain de prendre place au milieu d’eux comme leur égal ? » En prononçant ce discours, Canning croyait faire ses adieux à la chambre des communes. Il devait quitter l’Angleterre, après la clôture de la session, pour aller prendre possession du gouvernement général de l’Inde. La carrière du parlement avait été pleine pour lui de triomphes oratoires, mais aussi d’échecs politiques et de déboires personnels. Il était donc très sérieusement décidé à donner une autre direction à sa vie Peut- il leur entrer dans l’esprit que le premier duc d’Angleterre n’a d’autre rôle et d’autre utilité que de figurer dans une cérémonie, et qu’après avoir marché aujourd’hui à la tête des pairs du royaume, il n’a pas le droit demain de prendre place au milieu d’eux comme leur égal ? »

En prononçant ce discours, Canning croyait faire ses adieux à la chambre des communes. Il devait quitter l’Angleterre, après la clôture de la session, pour aller prendre possession du gouvernement général de l’Inde. La carrière du parlement avait été pleine pour lui de triomphes oratoires, mais aussi d’échecs politiques et de déboires personnels. Il était donc très sérieusement décidé à donner une autre direction à sa vie et un autre cours à son ambition. L’Inde offrait un vaste champ à l’activité d’un homme de cette valeur. Il n’y avait plus de grandes conquêtes à faire ; mais tout était à créer ou à renouveler, au point de vue matériel et moral, dans le vaste empire fondé par Clive, Hastings et Wellesley. Canning était admirablement propre à cette tâche. Les questions économiques et financières, qu’il avait étudiées avec son ami Huskisson, lui étaient aussi familières que les questions de politique intérieure ou étrangère. Pendant qu’il se passionnait pour l’œuvre nouvelle qui lui était confiée et qu’il espérait trouver enfin dans l’Inde le grand rôle vainement poursuivi en Angleterre, un événement imprévu vint bouleverser tous ses projets. Au commencement