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cabinet Perceval, il occupait le poste de ministre de l’intérieur, qu’il céda à lord Sidmouth lorsqu’il prit la direction du gouvernement et le titre de premier lord de la trésorerie. Sauf quelques remaniemens peu importans, le ministère resta composé à peu près comme il l’était au moment de la mort du malheureux Perceval. Les quatre membres les plus importans du cabinet étaient lord Liverpool, lord Eldon, et lord Sidmouth, dans la chambre haute, lord Castlereagh dans la chambre des communes. Et pourtant ce ministère, si peu modifié dans sa composition, n’était plus le même ministère. Un changement s’était produit dans son programme, changement peu considérable en apparence, mais dont les conséquences ne devaient pas tarder à se faire sentir. Il avait été décidé que la question catholique ne serait pas une question de cabinet, qu’elle resterait ouverte, comme on dit en Angleterre, c’est-à-dire que chacun des membres de l’administration conserverait sur ce sujet la liberté de sa parole et de son vote. Cet arrangement bizarre avait été nécessité par la situation particulière de plusieurs membres du ministère, notamment de Castlereagh, qui non-seulement gardait le portefeuille des affaires étrangères, mais qui devenait leader de la chambre des communes. Nos lecteurs savent que Castlereagh était d’origine irlandaise. A son entrée dans la vie politique, il avait pris devant les électeurs du comté de Down l’engagement d’appuyer les réclamations des catholiques. Plus tard, à l’époque où fut votée l’union de l’Irlande et de l’Angleterre, il dut renouveler cette promesse. On lui a souvent reproché de n’avoir pas montré beaucoup d’ardeur pour l’exécution de ses engagemens en faveur de la liberté religieuse. O’Connell, qui ne brillait point par la modération du langage, l’accusa un jour de trahison envers les catholiques et lui appliqua, dans une véhémente philippique, le terrible hémistiche de Virgile : Vendidit hic auro patriam. La vérité nous oblige à dire que, si Castlereagh resta fidèle à la lettre de ses engagemens, il en oublia peut-être un peu l’esprit. Toutes les fois que la question catholique fut portée devant la chambre des communes, il vota scrupuleusement en faveur de la liberté religieuse ; mais là se bornèrent ses efforts en faveur d’une cause qui était celle de son pays natal. Il fut presque sans interruption membre du cabinet depuis le vote de l’acte d’union jusqu’à sa mort, qui arriva en 1822. Dans le cabinet de lord Liverpool, il fut ministre des affaires étrangères et leader de la chambre des communes, c’est-à-dire presque aussi puissant que le premier ministre. En 1814 et en 1815, il représenta l’Angleterre au congrès de Vienne, et le rôle qu’il joua dans cette réunion de diplomates et de souverains lui donna dans son pays une situation sans précédent. Si, à cette époque, il avait employé en faveur des catholiques une partie