Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/614

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enlevèrent même l’autorité que son talent et sa situation auraient dû lui assurer. Il ne brilla ni comme orateur, ni comme secrétaire d’état des affaires étrangères. Il échoua misérablement comme vice-roi d’Irlande. Il ne parvint pas à former un cabinet. Son frère, Wellington, après la conclusion de la paix, réussit mieux que lui dans la vie parlementaire.

La reconstitution du ministère sous la présidence de Perceval exaspéra les catholiques irlandais. C’était un défi jeté à leurs réclamations. On ne leur demandait pas de prendre patience, comme on l’avait fait à plusieurs reprises : on leur signifiait nettement qu’ils n’avaient plus rien à espérer. On reculait bien en arrière de la politique de Pitt : on revenait aux beaux jours de Guillaume III et de la reine Anne. O’Connell releva le gant. Il forma, sous le nom de comité catholique, une nouvelle association, analogue à celle qui avait été dissoute en 1804. Il rechercha l’alliance de l’opposition protestante. Celle-ci était moins passionnée pour l’émancipation des catholiques que pour le rappel de l’union. O’Connell, qui voulait tout à la fois l’émancipation et le rappel, trouva de bonne politique, vu les circonstances, d’insister surtout sur la seconde de ces deux questions. Le conseil municipal de Dublin, élu par une corporation exclusivement protestante, s’étant prononcé en faveur du rappel, un grand meeting se tint dans la salle de la Bourse. O’Connell s’y rendit. Il appuya énergiquement les résolutions proposées et prononça un grand discours dans lequel il alla jusqu’à dire : « Je foule aux pieds les réclamations des catholiques si elles doivent retarder d’un jour le rappel de l’union. »

Cette alliance ne tarda pas à porter ses fruits. Une agitation sérieuse s’organisa. La coalition tenait des meetings ; elle avait un organe, le Freeman’s Journal. Elle commençait à remuer l’opinion publique. Fidèle au système préconisé par O’Connell, on s’efforçait de ne pas sortir de la légalité. Le gouvernement se trouvait fort. embarrassé en présence de cette forme d’opposition. Après avoir longtemps hésité, il se décida cependant à intenter des poursuites contre les orateurs des meetings. La plupart furent acquittés : un seul fut l’objet d’un verdict de culpabilité. En présence de ce résultat misérable, le gouvernement n’osa pas réclamer l’application de la peine. Depuis la formation du cabinet Perceval, il s’était produit un événement fâcheux pour le vieux parti protestant. En octobre 1810, George III avait été frappé d’une troisième attaque de folie infiniment plus grave que les deux premières. Cette fois, on jugea nécessaire d’établir une régence. Toutefois les pouvoirs du prince de Galles, proclamé régent, étaient soumis à certaines restrictions qui devaient disparaître le 1er février 1812, si à cette époque sa majesté n’était pas rétablie.