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en janvier 1801. Lord Cornwallis renvoya en Angleterre Castlereagh pour réclamer une décision devenue nécessaire. Pitt posa nettement la question devant le cabinet. Il se vit abandonné non-seulement par lord Loughborough, mais par le duc de Portland, par lord Westmoreland et par son propre frère, lord Chatham. Cependant il avait encore pour lui la majorité du ministère : il n’abandonna pas son projet.

Bien qu’il n’eût été fait encore aucune communication officielle à George III, le roi était très exactement renseigné par lord Loughborough sur ce qui se passait dans le cabinet. Il n’attendit pas que Pitt lui parlât de la question. Le 28 janvier, à une réception officielle, ayant aperçu Dundas, un des membres les plus influens du ministère, il le questionna sur les intentions de ses collègues, et dès que son interlocuteur lui eut avoué qu’il était question d’émanciper les catholiques, il se prononça en termes très vifs contre ce projet. Le ministre ayant essayé de combattre par le raisonnement ses scrupules et ses répugnances : « Assez, lui dit-il, monsieur Dundas ; assez de votre casuistique écossaise. » Dès le lendemain, il chercha les moyens d’éviter la proposition dont il était menacé. Il ne voulait à aucun prix de l’émancipation des catholiques, mais il craignait la retraite de Pitt, qui occupait depuis dix-sept ans le poste de premier ministre et qui lui avait rendu d’immenses services. Il se flatta de lui faire abandonner son projet en lui dépêchant un de ses amis intimes, Addington, alors président de la chambre des communes. Cette démarche, au lieu de prévenir la crise, la précipita. Pitt, sentant grandir l’opposition qu’il rencontrait chez le roi et dans son propre entourage, résolut de brusquer les choses. Il fit parvenir à George III une lettre très respectueuse, mais très ferme, dans laquelle il demandait l’autorisation de présenter aux chambres un projet pour l’émancipation des catholiques, ajoutant que, dans le cas où cette autorisation lui serait refusée, il serait obligé de demander à sa majesté la permission de se retirer. Plusieurs lettres furent échangées entre le souverain et son ministre. Des deux côtés on était décidé à ne pas céder. Le 3 février, la démission de Pitt devenait définitive ; le 5, elle était acceptée par le roi. Selon l’usage anglais, le premier ministre démissionnaire avait à désigner le personnage politique qu’il considérait comme le plus propre à prendre sa succession. Pitt indiqua le président de la chambre des communes. Il pensait avec raison que ce choix serait agréable à George III. Il croyait en outre trouver dans Addington un ami sûr, qui continuerait sa politique sur tous les points, sauf sur la question spéciale qui avait nécessité sa retraite.

Henry Addington était fils d’un médecin de talent qui avait donné des soins à lord Chatham et à sa famille. Il s’était fait recevoir