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Angleterre et s’enleva toute chance de paix avec le gouvernement britannique. Le duc de Portland et ses amis passèrent avec armes et bagages au camp ministériel, et Wedderburn fut chancelier le 28 janvier, juste huit jours après la mort du roi. Les grands événemens ont parfois de petites conséquences.

Devenu gardien de la conscience royale (car c’est là une des fonctions du grand-chancelier), l’ancien défenseur de David Hume se crut obligé de montrer un zèle intempérant en matière religieuse, et quand George III lui soumit le cas de conscience qu’il venait de poser à lord Kenyon et à sir John Scott, lord Loughborough se prononça sans hésiter pour l’interprétation du serment royal dans le sens le plus rigoureux. Il remit au roi une note résumant les argumens en faveur de son opinion, le tout en secret, sans avertir ses collègues, sans rien dire à Pitt, qui l’avait fait entrer dans le ministère deux ans auparavant et qui devait s’attendre à de tout autres procédés de sa part.

Cinq ans s’étaient écoulés depuis lors, et rien n’avait transpiré de la démarche du roi auprès du chancelier et de la réponse de ce dernier, lorsque la question catholique se posa de nouveau. George III était allé passer quelques semaines, au bord de la mer, à Weymouth et il avait justement auprès de lui le chancelier. Les autres ministres étaient restés à Londres : Pitt et Grenville, sur lesquels reposait le triple fardeau des finances, de la guerre et des négociations, n’avaient pas pu s’éloigner. Le chef du cabinet, plein de confiance dans lord Loughborough, entretenait avec lui une correspondance suivie. Pendant ce temps, le grand-chancelier continuait secrètement sa campagne contre les idées libérales de Pitt en matière religieuse. Il trouva de précieux auxiliaires dans les prélats anglicans, notamment dans l’archevêque de Cantorbéry, primat d’Angleterre, et dans le primat d’Irlande. Il en trouva un dans lord Auckland, membre influent de l’administration, quoiqu’il ne fît point partie du cabinet. Enfin, le 30 septembre, étant revenu à Londres pour un conseil de cabinet où devait être spécialement traitée la question catholique, il se crut assez fort pour démasquer ses batteries et il attaqua ouvertement le projet de Pitt. Ce dernier temporisa encore : il ajourna la solution de la question et chargea Castlereagh d’avertir le vice-roi d’Irlande des difficultés qu’il rencontrait. Loughborough, encouragé par ce demi-succès, mit à profit le temps qui lui était laissé. En décembre, il présenta au roi un mémoire détaillé qui fortifia George III dans ses répugnances contre le projet. Le moment décisif approchait. La question ne pouvait plus être indéfiniment ajournée. Le parlement du royaume-uni, le parlement impérial allait se réunir pour la première fois