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tatif, en remettant la direction suprême de ses affaires à un comité de quarante membres annuellement élus dans l’assemblée générale, plus un membre délégué par somaj affilié. Dès le début, vingt et un somajes de province adhérèrent à cette constitution, et nos derniers renseignemens portent que ce chiffre s’est considérablement accru, surtout si l’on y comprend les congrégations nouvelles formées sous les auspices du Sadbaran Somaj. L’association possède désormais une imprimerie, ainsi que deux organes périodiques, et ses missionnaires parcourent les provinces avec une remarquable activité pour recruter de nombreux adhérens. Aussi semble-t-elle désormais appelée sans conteste à prendre la direction du mouvement que l’église de Keshub semble avoir perdue sans retour. Celui-ci, par les exagérations de son mysticisme, n’aura ruiné en définitive que son propre ascendant et sa propre position. Il faut toutefois reconnaître que c’est là un fait profondément déplorable, car nul n’a plus contribué aux progrès du brahmaïsme et nul n’était mieux en état d’y contribuer encore. Amis et ennemis, Anglais et indigènes, tous ceux qui ont eu des rapports avec Keshub s’accordent à le proclamer non-seulement l’un des esprits les plus distingués de l’Inde contemporaine, mais encore un caractère de trempe supérieure, un de ces hommes qui, selon les temps et les circonstances, peuvent devenir Bouddha, Mahomet ou Luther. Que ne s’est-il contenté du rôle modeste de ce dernier, au lieu d’oublier que le temps des avatars et des prophètes est passé sans retour, même dans l’Inde ! Il n’est pas plus possible de faire, en religion, du rationalisme avec de la révélation, qu’en politique de la liberté avec du despotisme.


VIII.

Le brahmaïsme représente la tentative la plus complète qui ait été faite jusqu’ici pour donner une forme pratique au rationalisme religieux. On peut en tirer ce double enseignement que non-seulement les principes de la religion naturelle suffisent à fournir les élémens d’un culte positif, mais encore qu’ils peuvent conduire jusqu’au mysticisme, du jour où ils laissent l’imagination prendre le pas sur la raison.

L’homme a des instincts religieux qui, comme toutes les aspirations de sa nature, réclament impérieusement satisfaction. Mais pour qu’ils puissent exercer une influence bienfaisante sur notre culture morale et intellectuelle, il est indispensable qu’ils se développent en harmonie avec nos autres facultés. En prenant des garanties, dans le manifeste cité plus haut, contre cette prépondérance du sentiment sur la raison, le Sadharan Somaj a en quelque sorte complété la doctrine du brahmaïsme, qui entre ses mains repré-