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élément danois demeuré en Angleterre. Les Danois d’Albion acceptèrent plus volontiers l’autorité de chefs qui s’enorgueillissaient de leur origine scandinave que celle de ces princes anglo-saxons qui n’étaient pour eux que des ennemis. M. Worsaae s’est attaché, dans le livre que j’ai mentionné plus haut, à montrer tout ce qui reste de traces de la présence des scandinaves dans les Iles britanniques. Tandis qu’au nord et à l’est de l’Angleterre, les Danois avaient formé de nombreux établissemens, en Écosse, c’étaient les Norvégiens, souvent confondus avec eux, qui étaient venus coloniser. C’est à leur invasion qu’est dû surtout le refoulement dans les Highlands de la population indigène d’origine celtique ; ils ont préparé de la sorte l’envahissement de la basse Écosse par la race anglo-saxonne. En Irlande, où ils avaient fondé maints établissemens, les Scandinaves ont eu une action analogue, car ils apportèrent un élément plus capable de s’assimiler aux Anglo-Saxons conquérans de l’île que les vieux Celtes de la verte Erin, d’un caractère si opposé à celui des races de souche germanique.

En général, ce qui frappe chez les Scandinaves au moyen âge, c’est le génie de domination dont ils font preuve. Car, il faut le remarquer, ces Normands, qui poursuivaient en tant de contrées leurs expéditions, et réussissaient souvent à s’y établir d’une manière permanente et solide, ne constituaient qu’une population peu nombreuse. Les trois royaumes que réunit Marguerite de Valdemar ne pouvaient nourrir au VIIIe au IXe siècle, un chiffre d’habitans supérieur à celui qu’ils renferment aujourd’hui. Les ressources faisaient trop défaut dans ces pays septentrionaux, où la nature est fort pauvre pour permettre un accroissement notable de population.

Ces Vikings, qui s’élançaient au loin sur leurs navires, ne formaient après tout que de bien petites troupes, comparées à celles qu’auraient pu mettre sous les armes les pays qu’ils envahissaient. Les équipages qui débarquaient sur les côtes ne comprenaient vraisemblablement que quelques centaines de marins, et les plus larges flottes ne devaient guère comporter un effectif de plus d’un ou de deux milliers d’hommes. Mais les Normands suppléaient par l’habileté de leur conduite à l’infériorité de leurs forces. D’ordinaire, ils débarquaient dans de petites îles situées près de l’embouchure des fleuves, ou bien ils se rendaient promptement maîtres de certains promontoires qui formaient de petites péninsules. Ils se hâtaient de s’y fortifier, et si ces citadelles naturelles leur manquaient, ils profitaient des dispositions du terrain, de la direction de certains cours d’eau pour élever une barrière solide et difficile à franchir entre le canton où ils venaient s’établir et le reste du continent.