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d’être question et où sont figurées des têtes d’hommes fantastiques et des entrelacs, provenaient d’une boite à serrure dont la platine était finement travaillée. La serrurerie avait déjà, en effet, acquis à cette époque chez les Scandinaves une assez grande perfection ; la preuve en est dans les anciennes clés qu’on a rencontrées çà et là ; elles sont élégamment découpées, de façon à figurer des dragons, des serpens et d’autres animaux. Cette perfection relative de la serrurerie implique une élégance correspondante dans l’ameublement, dans la construction des maisons, maisons qui étaient alors encore toutes en bois, et c’est ce que confirment les traditions. Les Sagas nous parlent de grandes salles décorées d’images artistement sculptées et qui représentaient des scènes empruntées à la religion de ces peuples. Les ustensiles découverts dans les fouilles déposent également de l’élégance du mobilier et de la vaisselle des scandinaves. On a rencontré, par exemple, à Feiœ, près de l’île de Laaland, un gobelet d’argent qui contenait quatre petites coupes hémisphériques également d’argent. La surface extérieure de ce gobelet est ornée d’entrelacs dorés, encadrant un champ disposé en deux zones au milieu duquel sont des incrustations de nielle figurant des oiseaux, un arbre, un animal qui se mord la queue et divers autres motifs d’ornemens. A la base du gobelet, sur la bande étroite qui l’entoure, se trouve, de plus, représenté un arbre. Des gobelets analogues et d’une ornementation presque aussi recherchée ont été rencontrés dans d’autres sépultures, ce qui nous fournit la preuve d’un grand luxe de vaisselle chez les personnages importans. Les sépultures elles-mêmes sont la meilleure preuve de la vie somptueuse des riches Danois de l’époque des Vikings. Si les simples particuliers se faisaient enterrer dans des bateaux ou déposer en terre revêtus de leurs armes habituelles, les plus opulens étaient portés au tombeau avec un mobilier funéraire d’une extrême richesse. Il a été question tout à l’heure des chevaux qu’on enterrait avec les chefs ; or, quelquefois ce n’était point un seul coursier, mais plusieurs qu’on donnait au mort pour lui servir de montures dans l’autre monde ; c’est ce que prouve la présence de trois chevaux observée dans quelques tumulus de la Norvège ; et avec ces chevaux immolés aux funérailles, on enterrait le char qu’ils étaient supposés devoir traîner dans le paradis d’Odin. Une des plus célèbres Sagas, l’Ynglinga-Saga, nous dit que le corps de Harald Hildetand fut, après la bataille de Brâvalla, placé sur le char de ce prince et transporté au tumulus qui devait recevoir ses restes. Au moment des funérailles, le cheval de bataille de Harald fut tué, afin, dit la Saga, que ce chef pût à son gré se rendre en char ou à cheval à la Valhalla, où il devait faire son entrée et être