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la Baltique des articles de fabrication occidentale ou méridionale qui ont dû servir de modèles aux ouvriers scandinaves, C’est ce qu’a établi un savant antiquaire, M. G. Engelhardt, dans un intéressant mémoire sur l’Influence de l’industrie et de la civilisation classiques sur celles du Nord dans l’antiquité, publié à Copenhague il y a cinq ans. A côté de ces objets de provenance incontestablement romaine se voient souvent dans les mêmes sépultures d’autres objets où l’on reconnaît l’imitation des premiers, mais qui n’en affectent pas moins un style distinct, point de départ du style caractéristique de l’ancien âge du fer répondant à la période gothico-romaine. Les plus anciens produits de ce nouvel art septentrional ne sont encore que de grossières et maladroites imitations des types exotiques ; par exemple, les pendeloques d’or ou bractéates, qu’ont fréquemment fournies les vieilles sépultures du Danemark, sont des imitations manifestes des monnaies des derniers empereurs romains. Les caractères runiques eux-mêmes, qui constituèrent une écriture propre aux Scandinaves et qui furent le véhicule de leur littérature nationale, n’apparaissent d’abord que dans des inscriptions qui sont d’incorrectes et barbares reproductions, quelquefois inintelligibles, des caractères latins ; mais ces lettres runiques se transforment peu à peu et finissent par revêtir une physionomie vraiment originale.

Tout de source étrangère qu’il soit, l’art de l’époque des Vikings n’en a donc pas moins droit à recevoir l’épithète de scandinave. Au reste, on sait qu’il y a eu bien peu d’arts vraiment autochtones, et de ce que les arts des Grecs, des Étrusques, des Romains ont eu pour point de départ des modèles apportés d’autres pays, on ne peut certes pas leur refuser l’originalité. Les peuples barbares qui tirèrent leur civilisation de Rome et de Byzance se sont créé un art qui n’en constitue pas moins leur propriété, quoiqu’on y discerne aisément l’influence des modèles qu’ils avaient reçus. Il suffit donc de constater dans les antiquités scandinaves l’empreinte d’un génie plastique particulier, l’intervention d’un goût propre, prédominant dans le dessin, l’ornementation, les formes, pour se convaincre que les Normands et leurs frères des bords de la Baltique ne se bornaient pas à se parer des objets qu’ils enlevaient dans les contrées où ils dirigeaient leurs expéditions. Ils se fabriquaient notamment des joyaux en or et en argent qui étaient d’une grande recherche et que décoraient des figures de dragons, de serpens. Ceux qui n’étaient pas assez riches pour se procurer d’aussi magnifiques bijoux portaient du bronze ou du laiton, assez souvent relevés par des dorures ; les fibules ou agrafes usuelles dénotent déjà une grande élégance. — On a signalé des fibules cupelliformes,