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leurs incursions. Les Pays-Bas, la France, la Grande-Bretagne se trouvèrent ainsi, du VIIIe au Xe siècle, constamment inquiétés par les irruptions des Danois et des Norvégiens. En même temps que la chute de la domination romaine avait affaibli les ressorts militaires de l’Europe occidentale et fait surtout disparaître les flottes qu’entretenait l’empire pour défendre l’île d’Albion et le littoral de la Gaule, les Danois et les Norvégiens, autrement dits les Normands, s’étaient constitués en petits états puissans qui tiraient leurs principales ressources de leurs expéditions maritimes et rapportaient chez eux, morceau par morceau, des richesses arrachées à la société romaine écroulée. Les chroniques et les documens de l’époque carolingienne font fréquemment mention des ravages des Normands ; ils sont tout remplis de lamentations sur les maux que ces pirates faisaient endurer aux populations exposées à leurs incursions. Ils pillaient les églises, ils saccageaient les monastères, ils incendiaient ce qu’ils ne pouvaient emporter, et quand ils ne se livraient pas à ces fureurs, ils rançonnaient au moins les habitans, pris à l’improviste, et qui n’osaient pas les attaquer sur les rivières dont ils avaient remonté le cours. Les moines s’enfuyaient avec les reliques de leurs églises et ce qu’ils avaient de plus précieux. Les femmes, les enfans se sauvaient au loin ou allaient se cacher dans les forêts, et plusieurs des cantons qui furent périodiquement en butte aux irruptions des Normands se dépeuplèrent et devinrent un véritable désert. Les Normands n’arrivèrent d’abord que par embarcations isolées qu’ils laissaient sur la côte pour pousser des reconnaissances à l’intérieur et rançonner ça et là les villages. Plus tard apparurent de véritables flottes qui portaient des armées de débarquement destinées à attaquer les villes et à s’emparer de différens points. Dans ces flottilles se trouvaient un grand nombre de bâtimens légers et d’un faible tirant d’eau, avec lesquels les Normands pouvaient remonter assez loin les fleuves et leurs affluens. Ils pénétrèrent ainsi plusieurs fois jusqu’au cœur de la France, envahirent la Touraine, le Poitou, le Berri. La région qu’arrose la Seine fut surtout le point de mire de leurs attaques, l’embouchure de ce fleuve se prêtant particulièrement à leur débarquement, et, à trois reprises différentes, ils s’avancèrent jusque sous les murs de Paris, qui ne put leur opposer une infranchissable barrière. Ils poussèrent dès lors plus avant et s’avancèrent par la Marne dans le diocèse de Reims, après que déjà Meaux et Melun, momentanément tombées entre leurs mains, avaient été pillés et saccagés. Les incursions des Normands devinrent de la sorte un véritable fléau qui sévit périodiquement dans notre pays durant deux siècles. On en peut lire l’histoire détaillée dans le livre d’un consciencieux érudit auquel la littérature savante et instructive, est