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se trouvent à cette heure réduits à la condition politique la plus humble. Il est donc naturel que l’archéologie soit populaire en ces pays, car c’est elle qui peut fournir les preuves du rôle important qu’ils ont joué ; c’est elle qui grossit incessamment pour la race scandinave ces titres de noblesse qu’elle oppose au dédain de nations récemment parvenues. La civilisation septentrionale remonte haut dans le passé ; la race scandinave avait déjà une littérature alors que les deux peuples qui l’étreignent aujourd’hui, les Prussiens et les Russes, étaient encore plongés dans la barbarie ; ils avaient atteint un développement matériel supérieur à celui que des nations germaniques et slaves qui les avoisinent atteignaient à peine deux ou trois siècles plus tard. Ils exerçaient sur les mers un empire que nulle nation n’était en mesure de leur disputer, et jusque dans des contrées lointaines leur nom était connu et redouté.

Il y a dans ce passé de la race scandinave une ample moisson à faire pour les antiquaires et les érudits, et ceux qu’elle devait le plus tenter n’ont pas manqué de s’assurer tous les produits de la récolte. En Danemark, en Norvège, en Suède, les études historiques appliquées à tout ce qui touche au passé national ont pris un puissant essor et sont aujourd’hui très florissantes. La société des antiquaires du Nord, établie à Copenhague, s’est surtout signalée par ses travaux, qui reçurent de la coopération du feu roi de Danemark, Frédéric VII, une impulsion vigoureuse. L’ensemble du mouvement archéologique dans les trois royaumes scandinaves a singulièrement étendu notre connaissance de l’histoire des contrées septentrionales. Dans le principe, on n’avait guère étudié que les monumens littéraires, les Eddas, les Sagas, auxquels on associa bientôt le déchiffrement des inscriptions runiques ; on s’est ensuite occupé des vieilles lois, des vieilles superstitions et des vieux usages sur lesquels des rapprochemens avec les contrées germaniques ont jeté un nouveau jour. C’est plus récemment que l’attention s’est sérieusement portée sur les antiquités figurées et architectoniques, sur tout cet ensemble d’objets qui révèlent les premiers essais de l’art et de l’industrie. L’archéologie scandinave est venue vivifier les textes historiques et les documens littéraires, auxquels elle a fourni de précieux commentaires. C’est ainsi que la vieille civilisation scandinave a été exhumée du sol qui en conservait les débris. Un passé nous a été rendu qui semblait irrévocablement effacé, et les antiquaires du Nord se sont acquis par là une belle place dans l’érudition ; ils ont maintenu pour leur pays dans l’ordre des connaissances historiques une influence qui compense quelque peu celle qu’il a perdue dans l’ordre politique. C’est en Scandinavie qu’est née cette archéologie nouvelle que l’on a appelée préhistorique et qui supplée