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diminuée, il faut bien l’attribuer à une influence pernicieuse du milieu. Somme toute, ces chiffres, si on pouvait les accepter comme l’expression de faits bien constatés, prouveraient que les races latines du midi de l’Europe, les races riveraines de la Méditerranée, sont capables de s’acclimater sur le sol africain, — qu’elles le sont d’autant plus que leur lieu d’origine est plus rapproché de la côte d’Afrique. M. Ricoux pense qu’il y a lieu d’admettre l’existence d’une « zone acclimatable, » bornée au nord par l’isothère de 20° qui coupe la France à la hauteur de l’île d’Oléron et passe au nord de Dijon et de Vesoul pour sortir à Mulhouse, puis au sud par l’isothère de 25°, qui traverse l’Algérie et se confond à peu près avec la ligne de démarcation entre le Tell et le Sahara. On aurait donc raison d’attirer en Afrique des colons originaires du midi de la France, et notamment des Basques, au lieu de les laisser s’en aller chaque année par milliers à la Plata et au Chili, où ils sont perdus pour nous. Enfin, si les populations du nord de la France paraissent moins aptes à coloniser l’Algérie, il y aurait peut-être beaucoup à espérer des procédés d’acclimatation par lesquels s’accroît la force de résistance d’une race qui cherche à s’implanter sur un sol nouveau.

Il faut en effet distinguer l’acclimatement spontané de l’acclimatation artificielle, qui est l’œuvre de l’industrie humaine et s’obtient par divers moyens. Ces moyens sont de deux sortes : les uns consistent à modifier le milieu naturel par les procédés multiples de la culture : défrichemens, plantations, barrages, canalisations, drainages, etc. ; les autres, dont l’action est plus immédiate, reviennent à fortifier l’organisme de l’individu qui doit vivre dans ce milieu nouveau, et on les trouve dans une hygiène bien conduite, dans un régime rationnel, et surtout dans le croisement avec des races reconnues plus résistantes. Or la statistique des mariages en Algérie prouve que les croisemens entre Français, Espagnols et Italiens sont très fréquens, et, tout bien pesé, il semble que cette tendance au mélange des trois races mérite d’être encouragée. M. Ricoux croit pouvoir affirmer que les jeunes Algériens issus de ces mariages internationaux supportent mieux les épreuves de la première enfance que les fils de Français, et il voit là le meilleur moyen de fortifier la résistance de notre race au climat africain. Enfin, l’Algérien apparaît à ses yeux comme une sorte de fontaine de jouvence où la natalité languissante de la France doit se retremper. On voudrait se laisser aller à cet espoir consolant ; mais il faudra, avant tout, compléter par une statistique sérieuse la démonstration des faits que les travaux de M. Ricoux nous laissent entrevoir.


Le directeur-gérant, C. BULOZ,