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Algérien de naissance et statisticien par vocation, a continué le travail si bien commencé.

M. Ricoux avait publié, en 1874, un premier essai sur l’Acclimatement des Français en Algérie, qui n’était, à vrai dire, qu’une monographie locale, fondée sur l’étude des registres de l’état-civil de Philippeville. L’exposition universelle de 1878 et l’appel que la Société d’anthropologie de Paris avait, à cette occasion, adressé à tous ses membres, engagèrent M. Ricoux à étendre le champ de ses recherches, et l’on a pu admirer, dans le pavillon des sciences anthropologiques, douze tableaux graphiques, traduisant les principaux mouvemens de la population européenne de l’Algérie depuis la conquête jusqu’en 1876, qui furent le fruit de ses efforts. Ces tableaux, réduits à de moindres proportions, sont devenus la cause première, puis le complément de l’ouvrage où M. Ricoux vient de résumer les résultats de ses études concernant la démographie de l’Algérie. Il a mis en œuvre, avec beaucoup de méthode et un louable esprit de critique, tous les documens officiels qui étaient à sa portée, en les complétant, le cas échéant, par les relevés qu’il avait faits lui-même à Philippeville ; ses conclusions sont toujours présentées avec réserve, et c’est là ce qui peut faire espérer qu’elles seront confirmées par les enquêtes futures, qui mettront à profit des matériaux plus sûrs et plus complets.

La population de l’Algérie était évaluée, en 1876, à 2,807,000 habitans (non compris l’effectif de l’armée), soit 9 par kilomètre carré. Cette densité, si elle est loin d’approcher de celle de la France (70), est cependant assez voisine de celle de la Russie, et plus forte que celle des États-Unis, qui ne comptent que, 4 habitans par kilomètre carré. Dans ce chiffre d’environ 3 millions d’habitans, l’élément européen ne figure que pour un huitième : le recensement de 1876 accuse 353,600 habitans d’origine européenne. Il est intéressant de suivre le progrès de cet élément civilisateur depuis la conquête, tel que le constatent les relevés périodiques :


Années Population européenne
1833 7. 800
1845 95. 300
1856 169. 200
1866 235. 200
1876 353. 600

C’est un accroissement moyen, de 8,000 âmes par an, depuis une quarantaine d’années. Mais cette population d’origine européenne est excessivement bigarrée, et l’on s’exposerait à bien des erreurs si on voulait asseoir tous les raisonnemens sur les chiffres des totaux. Voici comment, en 1876, la population « européenne » de l’Algérie se décomposait par nationalités :