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près la même déclaration : « Nous entendons célébrer la conquête de l’indépendance de la patrie, affirmer notre attachement à la constitution et à toutes les libertés qu’elle comporte, rendre un légitime hommage à notre dynastie nationale. » La plupart des catholiques du parlement ont, en effet, assisté à la solennité officielle. La date du 16 août avait été choisie, et, ce jour-là, au milieu d’un immense concours de peuple, en présence du roi, se sont trouvés réunis le parlement, les cours de justice, l’armée, la garde civique, les représentai des provinces et des communes, les délégués d’une multitude de corporations ou de sociétés particulières. Les héros du jour étaient naturellement, avec quelques vieux blessés de septembre, les survivans du congrès national et du gouvernement provisoire de 1830. Du congrès il reste encore dix-neuf membres parmi lesquels M. Henri de Brouckère, M. d’Huart, M. Nothomb, le chanoine Andries, l’abbé de Haerne. Du gouvernement provisoire les derniers survivans sont trois octogénaires, M. Charles Rogier, M. Jolly et M. de Coppin. Tous ces vieux demeurans d’un autre âge étaient présens. C’était la Belgique tout entière se trouvant réunie, se fêtant elle-même dans sa dynastie populaire, dans sa liberté, dans sa constitution, que le souverain lui-même a appelée une admirable constitution, dans la journée déjà lointaine de son émancipation nationale, et le roi Léopold n’a fait qu’exprimer le sentiment universel lorsque, montrant les membres du gouvernement provisoire et du congrès, il a dit : « Cette fête est leur fête. Tous nous rendons hommage à cette forte génération de 1830 qui nous a faits ce que nous sommes. »

Rien certes de plus sérieusement émouvant qu’une fête de ce genre où un petit peuple regardant dans son passé, dans une histoire de cinquante ans, n’y trouve qu’une constitution invariable, une liberté toujours respectée, une dynastie nationale, un développement incessant, et pas une révolution, pas même une sédition de quelque gravité. C’est le résultat de bien des circonstances favorables sans doute ; mais c’est surtout l’œuvre d’un prince sage qui a légué son esprit à son fils et de cette alliance de 1830 où catholiques et libéraux marchaient ensemble à la conquête de l’indépendance. Ce qui a aidé à fonder la Belgique est ce qui peut le mieux servir à la faire vivre, et, à tout prendre, pour l’avenir comme pour le présent, c’est la plus vraie moralité de cette brillante commémoration du passé.


CH. DE MAZADE.