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ne serait plus facile que d’obtenir à un prix relativement modéré des planches très suffisantes, inférieures à coup sûr aux magnifiques gravures de l’ouvrage de l’expédition française, mais qui laisseraient peu de chose à désirer comme précision scientifique.

La meilleure manière d’entreprendre un pareil ouvrage serait de créer au Caire une école française d’égyptologie. Nous avons en ce moment une école d’Athènes et une école de Rome qui maintiennent à un niveau élevé dans notre université les études érudites sur l’antiquité classique. Les résultats donnés par ces écoles sont appréciés de tout le monde ; personne n’ignore que, si elles venaient à disparaître, la science française, perdant ses deux meilleures pépinières, serait en quelque sorte frappée d’une demi-stérilité. Mais si grands que soient les services rendus par l’école d’Athènes et par l’école de Rome, ils ne sont pas comparables à ceux que rendrait une école du Caire. Que peuvent découvrir aujourd’hui des fouilles en Italie et en Grèce ? Quelques inscriptions intéressantes, quelques documens curieux ; mais rien qui soit capable de renouveler nos connaissances, de leur donner un cours nouveau. Il n’en serait pas ainsi au Caire. Un certain nombre de jeunes gens sondant sans cesse l’Égypte, en copiant les monumens, les décrivant dans des monographies savantes, expédiant chaque année en Europe une masse compacte de matériaux à l’usage des maîtres de l’égyptologie rendraient d’incalculables services. Chose étrange ! voilà une science française par ses origines, par ses principaux développemens, une des gloires de notre nation ; elle fleurit dans un pays qui est pour ainsi dire notre œuvre, auquel nous avons rendu la vie qu’il avait perdue depuis des siècles ; elle projette d’ailleurs sur le passé de l’humanité des clartés que nulle autre science ne saurait projeter ; elle est en quelque sorte le fondement de l’histoire et de la philosophie ; de plus, comme elle est à peine formée, elle nous offre un champ immense d’études et nous promet des résultats qui dépasseront certainement les plus belles espérances : que faisons-nous cependant pour cette science ? Rien ou presque rien. Un professeur distingué l’enseigne au collège de France, voilà tout ! On ne saurait trop applaudir aux efforts qui ont été faits dans ces dernières années pour donner des laboratoires à la physiologie, à la chimie, à toutes les sciences exactes ; mais cela ne suffit pas. La matière n’est pas tout ; il y a une chimie intellectuelle qui s’appelle l’histoire et dont les découvertes ne sont pas moins importantes que celle de la chimie ordinaire. Pourquoi ne donne-t-on pas aussi au laboratoire à l’égyptologie, qui est en ce moment la branche principale de l’histoire ?

Créer une école d’égyptologie au Caire serait en outre d’une