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de ces milliers de statuettes, de ces petits objets en bronze, en or et en argent, de ces vases élégans, de ces jolis débris, de ces précieux produits de l’art égyptien, qu’on rencontre en foule dans presque tous les musées d’Europe, mais qui ne sont nulle part aussi variés et aussi parfaits. On voit dans deux salles élégantes des momies, des scarabées, des amulettes, des bustes de pharaons, des vestiges de mobiliers, des armes, du blé, des graines et des œufs conservés dans les tombeaux, des toiles diverses, en un mot tout l’intéressant bric-à-brac d’une civilisation dont les moindres échantillons ont leur prix. Mais le véritable musée n’est pas là, et si Boulaq ne contenait que ces salles, il ressemblerait entièrement au Louvre ou à toute autre exhibition, plus ou moins curieuse, plus ou moins savante, d’objets égyptologiques. Ce qui lui donnerait déjà cependant une grande originalité, ce sont les bustes et les statues qu’il possède, et qui ont presque tous un intérêt historique de premier ordre ; comme œuvres d’art, ils ne sont pas non plus indignes d’attention.

Nous n’avons malheureusement que des fragmens médiocres et pour ainsi dire le rebut de la statuaire égyptienne. Hérodote et Diodore de Sicile nous apprennent que les Égyptiens ne concevaient pas le plan de leurs statues d’après des vues d’ensemble et suivant une conception individuelle ; ils divisaient le corps humain en vingt et une parties un quart, dont l’exécution était confiée à des ouvriers différens. Chacun emportait chez soi les parties qu’il devait traiter et mettait une telle précision à s’acquitter de sa besogne que tous ces fragmens séparés, s’ajustant avec une symétrie parfaite, formaient un tout qu’on eût dit sorti de la même main. Lorsqu’il s’agissait d’œuvres importantes, qui devaient orner les plus beaux temples et les plus beaux palais, ces parties n’étaient point formées toutes de la même matière. La tête, par exemple, était en or et en ivoire, tandis que le reste du corps était en bronze ou en albâtre. Il va sans dire que ces statues précieuses ont disparu, mutilées par la barbarie ou fondues par la cupidité. Celles qui sont parvenues jusqu’à nous ne sont par conséquent que des produits inférieurs, subalternes, tenant beaucoup plus du métier que de l’art. Quelques-unes, — celles qui représentent Toutmès III par exemple, — ont surtout le mérite de nous transmettre les traits et la physionomie de personnages dont le rôle historique a eu une influence capitale sur les destinées de l’Égypte et du monde. Le type de Toutmès III, que nous trouvons également reproduit dans un magnifique sphinx de porphyre, n’a rien d’égyptien ; la forme du nez, les contours généraux du profil, l’expression de la bouche rappelleraient plutôt la race arménienne.

Qui sait d’où venaient la plupart de ces pharaons qui ont