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s’est aperçu qu’ils n’avaient aucune solidité, et que les constructions qu’on essaierait de leur faire supporter crouleraient sans nul doute à la première inondation. Pendent opera interrupta ! Que de ruines pareilles ont été fabriquées, à des prix énormes, sous le règne d’Ismaïl-Pacha !

Après avoir été sur le point d’obtenir un logement splendide, le musée de Boulaq est donc resté dans les modestes magasins où on l’avait provisoirement établi. Il y a subi l’année dernière une épreuve presque désastreuse. Le grand inconvénient pratique du local actuel est d’être situé sur le bord même du Nil, en sorte qu’à chaque inondation l’eau menace de l’envahir et de le détériorer. La crue de l’année dernière ayant été très considérable, il a été littéralement submergé. C’est pour mettre le musée à l’abri d’un danger toujours renaissant, que le ministre français des travaux publics dans le ministère européen dont l’existence a été si courte, M. de Blignières, avait songé à lui donner une partie des immenses bâtimens construits au Caire, en un autre jour de caprice d’Ismaïl-Pacha, pour une école des filles nobles, et restés également inachevés. Les travaux d’appropriation avaient été commencés ; 0la dépense n’aurait pas été considérable ; les collections égyptologiques placées enfin sinon dans un palais, au moins dans un établissement convenable, n’auraient plus eu à craindre les débordemens du Nil. Par malheur, il suffisait que l’idée de transporter le musée à l’école des filles nobles vînt d’un ministre européen pour qu’elle fût abandonnée à la chute de ce ministre. Pris d’un scrupule inusité d’économie, Ismaïl-Pacha déclara que le projet français était d’une exécution trop coûteuse et qu’il fallait se borner à restaurer les anciens magasins de Boulaq. C’est ce qui a été fait d’ailleurs avec beaucoup d’intelligence et d’habileté. Le sol des salles où se trouvent les collections a été élevé d’une manière sensible, en sorte que le danger de l’inondation est devenu moins grave. Après avoir élevé le sol, on a dû élever la toiture, ce qui donne beaucoup plus d’air et de jour. Les murs, en partie salpêtres, ont été recouverts d’un enduit et de peintures décoratives du meilleur goût. Cette restauration élégante et simple serait parfaite si elle n’avait pas été presque aussi dispendieuse que l’aurait été le transport du musée à l’école des filles nobles. Comment se défendre d’un sentiment de tristesse lorsqu’on songe à l’admirable installation qu’on aurait pu procurer au musée avec les sommes qui ont été dépensées à la première appropriation des magasins de Boulaq, à leur restauration, et à la construction inutile des fondemens qui gisent sur la route des Pyramides ?

Mais en Égypte il faut savoir se défendre de ce genre