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désigné pour commander un régiment d’Irlandais-Unis, avait assisté, le 19 février, à un conseil tenu par les principaux chefs de la future insurrection dans la maison d’Olivier Bond. Un nouveau conseil devait se tenir au même endroit, le 12 mars. Sur les indications du délateur, on fit cerner la maison par des agens de police, et l’on prit d’un seul coup de filet quatorze des principaux chefs, parmi lesquels Olivier Bond lui-même. Quelques jours auparavant Arthur O’Connor avait été arrêté à Margate, près de Londres, au moment où il allait s’embarquer pour le continent.

Cependant Fitzgerald, Emmett et Mac-Nevin avaient échappé aux recherches de la police. Les deux derniers furent pris peu de jours après. Seul des cinq membres du directoire, Fitzgerald, grâce à des amis dévoués, resta caché pendant près d’un mois dans une maison des environs de Dublin. Il aurait pu s’enfuir sur le continent : on dit que le gouvernement était disposé à fermer les yeux sur son départ. Il resta par point d’honneur. Il se contenta de changer de retraite. Cette précaution lui fut fatale. Son nouvel asile fut dénoncé. Surpris dans son lit, il se défendit comme un lion, tua deux agens et fut lui-même grièvement blessé. La nouvelle de son arrestation produisit une émotion générale. Son courage, ses brillantes qualités, la triste situation de sa jeune femme, tout se réunissait pour appeler sur lui l’intérêt. Malheureusement l’issue de son procès ne pouvait être douteuse. Les preuves de sa participation au complot étaient manifestes et sa condamnation certaine. Il n’était pas destiné cependant à mourir sur le gibet. Il succomba en prison aux suites de sa blessure. Olivier Bond mourut aussi dans sa prison, après avoir eu, dit-on, la faiblesse de faire des révélations. Emmett et Mac-Nevin furent détenus deux ans au fort Saint-George et ensuite bannis. O’Connor comparut à Maidstone devant un jury anglais : plus heureux que ses amis, il fut acquitté.

La terreur régnait en Irlande. La police, sachant qu’il y avait un grand nombre de dépôts d’armes et de munitions, se livrait à des perquisitions rigoureuses. On recherchait partout des conspirateurs, jusque dans l’université de Dublin, dont les élèves furent interrogés par le chancelier en personne. Il est certain que la plupart de ces jeunes gens, séduits par le courage de Fitzgerald et par l’éloquence d’Emmett, étaient de cœur avec les Irlandais-Unis. Là s’était borné leur crime. L’un d’eux, Thomas Moore, célèbre plus tard comme poète et comme historien, a peint dans ses Mémoires en termes saisissans la situation de l’Irlande à cette époque. La, délation était à l’ordre du jour. Un officier de la milice irlandaise, nommé Armstrong, se fit admettre parmi les Irlandais-Unis, afin de surprendre les secrets de l’association. Il découvrit que le projet