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Fitzgerald, hôtel de White, passage des Petit-Pères, près le Palais-Royal.

Au milieu de son exaltation politique, le jeune homme ne perdait pas de vue l’objet principal de son voyage. Logé à deux pas du Palais-Royal, il voyait constamment Mme de Genlis et sa fille adoptive, pour laquelle son amour ne faisait que grandir. Il obtint enfin la main de Paméla, à la condition que sa mère acquiescerait au mariage. L’excellente femme, qui adorait son fils, ne voulut pas mettre obstacle à son bonheur. Le mariage eut lieu quelque temps après, à Tournai. Mme de Genlis constitua en dot 6,000 francs de rente à sa fille adoptive. Le duc d’Orléans et son fils le duc de Chartres, plus tard roi des Français, signèrent à l’acte de mariage comme témoins. Paméla fut le modèle des femmes, et elle sut fixer le cœur jusque-là un peu inconstant de son mari, qui, dans ses lettres, parle sans cesse, en termes émus et délicats, de son bonheur conjugal et plus tard de son bonheur paternel. Au point de vue purement privé, il avait donc fait un excellent choix. Malheureusement, ce mariage acheva de le brouiller avec le gouvernement anglais. On avait déjà vu de fort mauvais œil son voyage en France : ce fut bien pis quand on apprit qu’il épousait une fille adoptive de Mme de Genlis, une protégée du duc d’Orléans. On le raya d’office des cadres de l’armée.

Il arriva à Londres avec sa jeune femme au commencement de 1793, quelques jours seulement avant la déclaration de guerre entre l’Angleterre et la France. A partir de cette époque, il prit une part plus active aux débats du parlement irlandais. Il n’était pas orateur et ne le devint pas ; il se signala seulement par quelques-unes de ces protestations énergiques pour lesquelles l’éloquence n’est pas nécessaire. Une fois entre autres, après un discours de Grattan qu’il trouvait trop modéré, il s’écria que les chefs du gouvernement irlandais étaient les pires ennemis du roi. Invité, là-dessus, à faire ses excuses à la chambre des communes, il se borna à quelques mots d’explication, dont on se contenta, parce que son caractère loyal et sa nature sympathique désarmaient ses adversaires politiques. A la même époque, il consentit à mettre en rapport avec les chefs des Irlandais-Unis un des agens secrets envoyés par le gouvernement français. Bref, il se compromit à tel point qu’on n’hésita pas à lui proposer d’entrer dans l’association et que même on le dispensa, comme son ami Arthur O’Connor, de prêter le serment d’usage. Et, pour le dire en passant, la formule seule de ce serment, qui venait d’être modifiée, suffisait pour indiquer les tendances nouvelles de l’association. Le serment primitif était ainsi conçu : « Je jure de consacrer tous mes efforts à obtenir,