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programmes. Le grec paie pour tout le monde ; c’est sur lui qu’ont été prises les heures dont on a doté tout le reste. Il n’est plus qu’un accessoire dans nos études, à peu près ce qu’étaient l’allemand et l’anglais il y a vingt ans. En somme, le latin et le grec réunis n’occupent pas le quart du temps du lycée. Il n’est donc plus possible de prétendre, comme on l’a fait si souvent, qu’on n’apprend chez nous que les langues mortes et les littératures antiques, et l’on peut dire qu’en un demi-siècle le caractère de notre enseignement a été tout à fait changé. Je sais beaucoup de gens qui sont disposés à s’en réjouir et qui se féliciteront sans doute qu’on ait eu le courage de rompre avec d’anciennes traditions. Peut-être, en effet, n’était-il pas possible de faire autrement. Nous avons entendu M. Guizot, qui n’est pas suspect, nous dire « qu’on avait trop fait nos études à l’image de l’ancienne société, que nous étions tombés dans l’ornière et qu’il en fallait sortir. » C’est pourtant une chose grave que de se séparer d’un passé glorieux, de prendre congé d’un enseignement qui a fait la France ce qu’elle est, et je ne comprendrais pas qu’au moment de tenter cette expérience, le partisan le plus décidé des réformes nouvelles ne se sentît pas le cœur troublé de quelque inquiétude.

A côté de ces changemens qu’on est en droit de redouter, le nouveau plan d’études contient des innovations heureuses, dont l’enseignement peut tirer un grand profit. C’est, je crois, un malheur qu’on ait été forcé de diminuer le temps accordé aux langues anciennes, mais ce malheur peut se réparer si, grâce à des méthodes meilleures, on parvient à marcher plus vite. Tout dépend ici des professeurs, et ils peuvent faire, par leur intelligence et par leur zèle, qu’on ne s’aperçoive pas, en arrivant au but, qu’on s’est mis plus tard en chemin. Il ne faut pas oublier qu’aucune réforme ne réussit dans les études que s’ils le veulent et que le succès définitif est toujours dans leurs mains. Nous l’avons bien vu à l’époque de la bifurcation. Ce système qui, par certains côtés, méritait d’être mis à l’épreuve, eut la tort d’être imposé d’une façon brutale. On crut qu’il suffisait de menacer et d’effrayer les professeurs pour les forcer à exécuter ou même à glorifier les vues d’un ministre tout-puissant ; mais les menaces n’y firent rien. La bifurcation ne fut appliquée qu’en apparence ; malgré les mesures habiles de vérification et d’espionnage qu’on avait imaginées, chacun fit échec autant qu’il put au nouveau règlement, et il disparut, après quelques années, devant le mauvais vouloir général. Les circonstances, cette fois, ne sont plus les mêmes. Les professeurs ont été consultés et leurs délégués siègent au conseil supérieur. Ils sont donc tous intéressés au succès d’une œuvre à laquelle ils ont, pris part, et l’on est