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pour les lettres anciennes eut l’idée de l’introduire dans les épreuves du baccalauréat. Il semblait que les études latines allaient renaître ; mais on avait compté sans l’industrie dès jeunes gens et l’adresse des préparateurs. Les élèves, à ce qu’il semble, n’avaient rien de mieux à faire, pour se préparer à cette terrible composition, que de suivre régulièrement leurs-classes et de faire les devoirs que leur donnent leurs professeurs. C’est ce que font les meilleurs, et ils s’en trouvent bien. Mais les autres, à qui la route semblait ainsi trop longue et trop détournée, ont cherché une préparation, plus directe. Ils se sont mis de bonne heure à apprendre par cœur des bribes de phrases, des généralités qui veulent tout dire et peuvent se placer partout, à peu près comme les réponses ambiguës des diseurs de bonne aventure. Toute l’habileté consiste à les coudre ensemble et à les rapporter avec plus ou moins de violence au sujet proposé. Pourvu que ce tissu d’idées vagues soit exprimé dans une langue à peu près correcte, l’examinateur, faute de mieux, est bien forcé de s’en contenter. C’est un véritable tour de force, qui n’apprend aux élèves ni à penser, ni à écrire. Il n’y a donc pas à beaucoup regretter la composition latine. Mais la composition française, par laquelle on la remplace, n’aura-t-elle pas d’autres désavantages, et peut-être de plus grands ? C’est ce qu’apprendra l’avenir[1].

Une autre innovation qui sera, je crois, approuvée par tout le monde, consiste à supprimer le programme détaillé des auteurs latins, grecs et français sur lesquels les élèves doivent être interrogés. Il est dit simplement « qu’ils sont tenus d’expliquer les textes prescrits pour les classes de troisième, de seconde et de rhétorique. » Mais comme c’était un champ trop vaste, et qu’en exigeant trop on s’exposait à ne rien obtenir, il a été décidé « que, conformément à une pratique usitée dans d’autres examens, le candidat pourrait désigner, pour chaque classe et pour chaque langue, le prosateur et le poète sur lequel il désirait être interrogé. » On a pensé que les élèves désigneraient toujours les auteurs qu’ils ont expliqués dans leurs classes, et qu’ainsi le baccalauréat se trouverait, au moins par cette épreuve, ramené à ce qu’il devrait être, qu’il deviendrait la vérification des études faites et. une sorte de sanction du travail du lycée.

  1. Il ne faut pas oublier une innovation assez importante par les conséquences qu’elle peut avoir. On a décidé que, pour faire la version latine, l’élève n’aurait d’autre secours qu’un court lexique approuvé par l’administration. Cette mesure amènera un jour ou l’autre la suppression des dictionnaires. Ils sont déjà proscrits dans les épreuves pour l’admission à l’École des chartes.