Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reste-t-il aux pères de famille et à l’état pour connaître la force des études dans les établissemens libres ? Je me souviens qu’il y a longtemps j’ai entendu un des hommes les plus distingués de l’Angleterre, M. Matthew Arnold, grand critique et grand poète à la fois, et qui de plus a beaucoup réfléchi sur l’éducation, nous dire à quel degré d’abaissement l’instruction secondaire était tombée dans cette grande cité de Londres, où tout le monde, sans contrôle, sans diplôme, était libre d’ouvrir un collège. Il montrait les pères de famille dupés par les plus audacieux charlatans ; il racontait que des spéculateurs véreux, après avoir tenté sans succès les entreprises les plus singulières, n’hésitaient pas à ouvrir des écoles et y appelaient le public par ces annonces pompeuses dont les peuples anglo-saxons possèdent le secret. Comme ils se faisaient entre eux une concurrence de bon marché et que, pour faire moins payer les élèves, ils ne payaient pas les professeurs, ils étaient forcés de prendre au rabais, dans les derniers bouges, des maîtres munis de titres imaginaires, qui ne pouvaient pas enseigner aux autres ce qu’ils n’avaient jamais su : en sorte que, pour échapper à ces misères, M. Matthew Arnold souhaitait que l’Angleterre fût dotée d’une sorte de baccalauréat. Quand on voit d’autres nations désirer de l’établir chez elles, il n’est peut-être pas très prudent de le détruire chez nous. Il est vrai qu’on a proposé de le remplacer par des examens particuliers qui seraient subis au début des différentes carrières ; mais ces examens, en supposant qu’on les établisse, ne parviendraient jamais à tenir la place du baccalauréat et à rendre les mêmes services. Ils pourront prouver qu’on est propre à occuper la place qu’on demande, ils ne certifieront pas qu’on a tiré du profit de l’enseignement du collège. Ils n’embrasseront jamais l’ensemble des études, mais seulement ce qu’il est nécessaire de connaître pour exercer une certaine profession. Les élèves, qui le sauront, ne s’occuperont, dans leurs classes, qu’à préparer les examens de la profession à laquelle ils se destinent. On se spécialisera donc de très bonne heure, et il faudra renoncer à cet enseignement général, qui fait l’homme, pour se vouer, dès le début de la vie, à l’apprentissage d’un métier. À ce prix, la suppression du baccalauréat coûterait trop cher.

Plus je réfléchis à cette question délicate, plus je pense qu’il n’y a qu’une manière de la résoudre[1]. Il faut ramener à tout prix le baccalauréat à ce qu’il devrait être ; il faut en faire une simple vérification des études du collège. Il ne doit être qu’un examen de

  1. Cette solution a été développée par M. Beaussire dans les séances de la société pour l’étude des questions de l’enseignement supérieur.