Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sera tenté de s’en plaindre. Désormais, on accordera plus de temps, dans nos lycées, à la langue et à la littérature nationales, et on les étudiera d’une façon un peu nouvelle. Assurément, c’est la lecture et l’analyse des chefs-d’œuvre du XVIIe et du XVIIIe siècle qui doivent être le fond d’un enseignement classique ; aussi est-ce sur les auteurs de cette époque qu’on retiendra le plus l’attention des élèves. Il ne faut pas pourtant qu’ils croient que l’esprit français s’est révélé tout d’un coup, vers la fin du règne de Louis XIII, et qu’ils ignorent tout à fait par quelles lentes préparations il s’est formé. Ils doivent nécessairement connaître quelque chose de ce XVIe siècle, si original, si varié, si vivant, et il n’est pas possible qu’ils quittent le lycée sans avoir rien lu de Montaigne, de Rabelais, de Calvin, de Ronsard. Il est même bon qu’ils remontent plus haut, jusqu’aux origines mêmes de notre langue. On leur dira sommairement comment elle est née et par quelles transformations elle a passé avant de devenir ce. qu’elle est. Ce sera une récréation très vive pour leur jeune curiosité que de suivre l’histoire d’un mot à travers les âges et de recevoir en chemin quelques élémens d’étymologie française et de grammaire historique. Il ne s’agit pas sans doute d’en faire des érudits, mais on ne doit pas non plus leur laisser tout à fait ignorer le passé. Songeons que la France du moyen âge a dominé le monde, par sa littérature, que ses épopées et ses fabliaux ont été partout traduits ou imités, que, dans les pays les plus éloignés et les plus barbares, on avait les yeux sur elle et l’on vivait déjà de son esprit, comme du temps de Louis XIV et de Voltaire. C’est de tous ces souvenirs glorieux que se compose l’amour de la patrie : il n’en faut rien perdre, si nous ne, voulons pas qu’il s’affaiblisse. Pour aimer la France comme il, convient, il faut la connaître à tous les momens de son histoire et dans toutes les manifestations de son esprit.


III

Les réformes dans les études des collèges devaient nécessairement amener des change mens dans le programme du baccalauréat. Il était du reste assez difficile de le laisser comme il est. Dans ces derniers temps, on l’a beaucoup attaqué, et il ne paraît pas facile de le défendre. De toutes les institutions universitaires, il n’en est pas qui ait été plus souvent modifiée que le baccalauréat. Depuis qu’en 1840, M. Cousin porta la main sur. les décrets de 1808 pour rendre les. examens plus sérieux et les programmes plus uniformes, il n’y a presque pas de ministre qui n’y ait changé quelque chose.