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rêts, la sécurité dans sa vie nationale. C’est le sens politique de ces élections, le sens simple et vrai dégagé des interprétations abusives, des exagérations des uns, des récriminations des autres. Le besoin de croire à la durée, de s’en donner à soi-même l’assurance ou l’illusion, c’est le secret du dernier scrutin, et quand on y regarde de près, la réception qui vient d’être faite à M. le président de la république dans son voyage à Cherbourg au lendemain du vote, cette réception, dans ce qu’elle a de meilleur et de plus saisissable, n’a point, à tout prendre, d’autre signification.

À vrai dire, ce voyage aux côtes de la Manche ne paraît pas avoir été facile à décider, à organiser et à conduire jusqu’au bout. Il a été précédé, traversé ou entremêlé d’incidens curieux et caractéristiques. Ce n’est point, à ce qu’il semble, M. le président Grévy, qui devait d’abord aller à Cherbourg. Les historiographes ont du moins annoncé que M. Jules Grévy devait rester à l’Elysée. M. le président de la chambre des députés avait reçu des représentans de la ville de la Manche une invitation qu’il avait acceptée avec un certain apparat. Tout était concerté lorsqu’on s’est probablement aperçu que cette visite retentissante de M. Gambetta, dans un de nos principaux ports ne laisserait pas de paraître un peu extraordinaire et pourrait soulever quelques difficultés. M. le ministre de la marine, de son côté, n’a pas manqué sans doute de faire observer que la présence du chef de l’état lui-même serait un témoignage d’estime et d’intérêt dû à nos marins. M. le président de la république s’est laissé facilement ramener à l’idée d’aller en personne à Cherbourg, et pour que ce voyage fût complet, pour qu’il eût tout son éclat, il a été décidé que le chef de l’état serait accompagné de M. le président du sénat aussi bien que de M. le président de la chambre des députés. Ce n’est pas tout, il y avait une bien autre complication. En ce moment même, entre la municipalité de Cherbourg appuyée par la députation et le préfet maritime la guerre était allumée ; elle s’était récemment aggravée à l’occasion de la distribution des drapeaux. M. l’amiral Ribourt, chargé de présider à cette cérémonie, a eu la simplicité de croire que lui, première autorité dans un grand port militaire, il n’avait pas à aller rendre des hommages particuliers à M. le maire de Cherbourg, à M. le député, à un certain nombre de personnages municipaux. De là un violent conflit où M. l’amiral Ribourt a eu jusqu’au bout la tenue d’un homme aussi ferme que taciturne devant tous les déchaînemens. Frapper l’amiral qui n’avait manqué à aucun devoir, à aucune règle, qui n’avait d’autre tort que de ne pas rechercher la faveur des importans du jour, on ne le pouvait pas décemment, et M. le ministre de la marine ne paraissait pas disposé à s’y prêter. Refuser toute espèce de satisfaction à la municipalité chargée de faire les honneurs de la ville, c’était peut-être entreprendre un voyage officiel dans des condi-