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passait pour le plus certain uniquement à nous fournir des raisons. moins encore de douter, pour parler franc, que d’ergoter. Relisez dans le Siècle de Louis XIV et dans les quelques opuscules additionnels de Voltaire, ce que le XVIIIe siècle a su du fameux Masque de fer, et dites-moi ce qu’aujourd’hui nous en savons de plus ? Mais trois ou quatre hypothèses avaient cours en ce temps-là ; dix ou douze aujourd’hui se contrarient et se combattent. Et le plaisant de la chose, c’est qu’après tant d’inédits publiés et de papier noirci, il se pourrait que la version de Voltaire demeurât la plus plausible de toutes.

Prenons un autre exemple, et de l’histoire anecdotique passons à l’histoire générale. Voici les Mémoires de Saint-Simon et la Correspondance de la princesse Palatine. Est-il un historien digne de ce nom qui, sur la foi de semblables témoignages, osât former un jugement définitif sur Mme de Maintenons Ce n’est pas qu’il m’intéresse outre mesure de savoir si les Fouquet et les Villarceaux ont fait ou non l’intérim entre le roi de France et l’auteur de Dom Japhet d’Arménie. Et je défie bien qu’on me prouve, pour le dire en passant, en quoi la solution de ce problème d’alcôve intéresse l’histoire. Mais ce que je veux dire, c’est que les lettres de cette « bonne Allemande » qui, n’était ni si bonne, ni si naïve surtout, qu’on voudrait bien quelquefois nous le faire croire, combinées avec les mémoires du plus vaniteux des ducs et pairs, ne peuvent donner de la personne et du rôle politique de Mme de Maintenon que l’idée la plus fausse. Il y a plus, et j’ose avancer que, sur ce point d’importance, l’unique obligation que nous ayons à ces deux volumineux recueils, c’est qu’il faut commencer par réfuter ce qu’ils contiennent de médisances et de calomnies, à toutes fois qu’on veut parler de Mme de Maintenon.

Au moins encore des Mémoires comme ceux de Saint-Simon, ou des Correspondances comme celles de Madame, peut-on les contrôler. La mère et l’ami du régent ont figuré sur le théâtre de l’histoire ; s’ils n’ont participé ni l’un ni l’autre à rien de ce qui s’est passé de très considérable sur la scène de leur temps, ils étaient dans les coulisses ; ils ont connu les acteurs du drame ou de la comédie qui se jouaient, ils leur ont parlé. Mais ceux qui n’avaient leur place qu’au parterre, les Marais, les Barbier, les Hardy, les Regnault, qui contemplaient la cour du fond de leur cabinet d’avocat ou la ville d’un coin de leur boutique de libraire, les bons témoins, je vous le demande, et les belles autorités que voilà ! J’ose à peine calculer approximativement ce que ces honnêtes annalistes ont répandu. de contre-vérités dans l’histoire. On n’a pas encore imprimé les Mémoires ou Journaux des deux derniers. Di, talem avertite pestem ! et puisse-t-on ne les imprimer jamais ! Je reviens à nos chansonniers.

On dit, et M. Raunié n’a garde d’oublier l’argument, que si l’autorité