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de la science, rien de mieux ; tout philosophe, fût-il métaphysicien, y consent, et même y applaudit. Quant à la chasser du domaine de la pensée, c’est autre chose. Nul scepticisme, nul positivisme n’y a réussi, et n’y réussira.

On comprend qu’après tant d’aventures plus ou moins heureuses, l’esprit humain ait éprouvé tout au moins le besoin de se recueillir. C’est là ce qui explique l’avènement et le succès du positivisme. Mais, nous l’avons vu, la métaphysique reprend déjà son essor. Seulement, elle le reprend avec des forces nouvelles et une provision de faits que la science positive seule pouvait lui fournir. Elle a maintenant pleine et claire conscience de son but, de son objet, de sa méthode, de son principe. Son but est, non de révéler, mais de comprendre la réalité, d’embrasser dans une explication d’ordre supérieur, non pas seulement telle réalité, comme la nature, l’homme et Dieu, mais toute réalité. Platon, Aristote, Descartes, Leibniz, Spinoza, Schelling, Hegel, l’ont entendu ainsi. C’est bien par les idées que s’expliquent les choses ; c’est bien dans le système des idées que doit rentrer le système des choses pour pouvoir être réellement compris par l’intelligence. Seulement c’en est fait des prétentions de l’esprit spéculatif qui visaient à poser a priori ou à déduire d’une logique ambitieuse le système des idées, préalablement à toute information de l’expérience.

L’objet de la métaphysique n’est pas ceci ou cela, telle matière ou telle autre : il contient tout ; il est universel, comme la science elle-même. Seulement, il l’est d’une autre manière. L’objet de la science est une totalité de sujets ; l’objet de la métaphysique est une certaine unité de point de vue. On ne peut donc, comme on l’a presque toujours fait jusqu’ici, dire que cette dernière comprend une, deux, ou plusieurs réalités de capitale importance, comme Dieu, l’esprit, la matière. On ne saurait trop le répéter, ce n’est point telle réalité, si grande, si haute qu’elle soit, qui fait l’objet de la spéculation métaphysique, c’est l’idée, la pensée qu’on y cherche, afin de la faire réellement comprendre. Car c’est toujours le mot auquel il faut en revenir, quand il s’agit de montrer la différence des méthodes d’explication à l’usage des sciences et de cette philosophie dont Aristote faisait l’acte suprême de l’intelligence.

La vraie méthode de la métaphysique ne procède ni par déduction, ni par intuition, ni par aucune spéculation a priori. Elle ne déroule point, ainsi que fait Hegel, une série de procès reliés entre eux par un fil logique insaisissable. Elle ne tisse point une trame aussi fine que légère avec des abstractions réalisées à la manière des écoles idéalistes de tous les temps. Elle marche pas à pas avec son flambeau derrière la science ; elle la suit dans toutes ses investigations et