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sciences et de la métaphysique, ce siècle la commence, mais ne l’achève pas. Partout la spéculation s’y mêle à l’observation et à l’expérience, non pour en expliquer, ce qui serait son rôle, mais pour en diriger ou en compléter les conclusions. L’indépendance de la science proprement dite, vis-à-vis de la métaphysique aussi bien que la théologie, n’est complète qu’au XVIIIe siècle. C’est alors seulement que l’élément spéculatif ainsi désigné est absolument éliminé du domaine scientifique. On ne l’y retrouve à aucun degré, ni sous aucune forme, et c’est une des causes du rapide progrès des sciences d’observation, physique, chimie, physiologie, histoire naturelle, psychologie, dont les sévères méthodes excluent toute spéculation a priori. En renvoyant la métaphysique de son empire, la science était parfaitement dans son droit, puisqu’elle n’en a nul besoin pour la tâche qu’elle se propose. Ce que disait Newton de la physique, il faut le redire de toute science : que la métaphysique ne peut qu’égarer dans la recherche des faits et des lois de la nature physique ou morale. Donc, l’œuvre de séparation, achevée par ce siècle, doit être considérée comme tout à fait nécessaire, et par conséquent définitive.

L’esprit du XVIIIe siècle n’est pas moins contraire à la métaphysique qu’à la théologie ; il ne montre pas plus. de goût pour le transcendant que pour le surnaturel. On connaît son invincible répugnance pour les causes finales et pour toutes les conceptions d’ordre supérieur aux pures notions naturelles. En réalité, il n’y a plus d’œuvre métaphysique digne de ce nom dans ce siècle voué aux sciences physiques et politiques. Le seul esprit qui comprenne la métaphysique, Kant, a fait un grand livre pour la ruiner définitivement.

Quelle est la conclusion à tirer de cette revue rapide des vicissitudes de la métaphysique ? C’est la décroissance de cette spéculation proportionnelle à la croissance de la science positive dans le domaine de la connaissance proprement dite. Il ne nous en coûte rien de le reconnaître, la métaphysique perd successivement, dans le champ de la connaissance, tout le terrain qu’y gagne la science. C’est elle qui occupe à peu près toute la place, au début des essais philosophiques de la pensée, et vers la fin du siècle dernier, c’est la science qui la remplace partout, dans la philosophie naturelle comme dans la philosophie morale, sans lui laisser le plus étroit asile. Voilà le progrès accompli par l’esprit humain ; voilà la loi véritable que l’on peut dégager de la série des faits. Si l’école positiviste n’avait conclu qu’à cette loi, en en faisant un vrai progrès pour l’esprit humain, elle n’eût été contredite par aucune école de philosophie, ni même de métaphysique. Mettre la métaphysique hors