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cette philosophie première qui cherche ses explications dans un ordre de principes supérieurs aux lois physico-chimiques. De tout temps, ce genre de spéculation a eu pour but de comprendre les choses d’observation et d’expérience. Savoir et comprendre : toute la métaphysique est dans la distinction qu’expriment ces deux mots. Le véritable objet de la métaphysique, c’est d’expliquer les choses dans le sens vrai du mot, c’est d’en définir le caractère idéal, final, vraiment intelligible. C’est une erreur de croire qu’elle n’a pour objet que ce qui dépasse la portée de l’observation et de l’expérience, et qu’elle atteint par une intuition supérieure et vraiment révélatrice l’absolu, l’essence, le principe, la cause et l’origine première des êtres. Ou ces mots n’expriment que de vaines entités, comme dans la scolastique, ou ils répondent à des réalités que les méthodes de la science positive peuvent atteindre. La métaphysique a pu avoir des interprètes qui ont affiché la prétention de poursuivre par une méthode propre un objet insaisissable pour toute méthode scientifique. Jamais cette prétention n’a été réalisée. Et quand on y regarde de près, on ne voit guère que la métaphysique mystique qui se soit égarée dans cette voie sans issue et sans lumière. A part certaines formules abstraites, Platon, Aristote, Descartes, Spinoza, Malebranche, Leibniz, Hegel, tous les grands métaphysiciens ont fait leur métaphysique avec des données scientifiques empruntées à l’observation et à l’expérience interprétées dans le sens le plus large du mot. Il faut le répéter à satiété, la métaphysique n’a pas un autre objet que la science elle-même ; elle n’en diffère que par le point de vue sous lequel elle considère les réalités observées, décrites, ramenées à des lois ou à des classes par la science. Celle-ci explique les faits à sa façon, c’est-à-dire en les rattachant à leurs conditions. C’est là expliquer le comment des choses, rien de plus. Seule, la métaphysique en explique le pourquoi, en en recherchant les raisons d’être, les causes véritables. C’est là l’explication qui les fait réellement comprendre. Or il n’est pas de science qui ne laisse sur ce point de graves problèmes à la métaphysique. C’est la physique, c’est l’astronomie, c’est la chimie, c’est la physiologie, c’est l’histoire, dont les lois ne s’expliquent, en définitive, que par des raisons métaphysiques d’un ordre supérieur. Tout est matière à problèmes de ce genre, dans le monde physique comme dans le monde moral. Sans le principe de finalité, par exemple, tout est mystère, l’infiniment grand comme l’infiniment petit, le cosmos comme l’atome, l’être le plus simple comme l’être le plus complexe, la matière brute comme la matière vivante et organisée. Oui, l’incompréhensible mystère des effets sans cause, des progrès sans fin, des harmonies les plus étonnantes sans unité, des organisations