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entre ces trois modes un ordre de succession nécessaire ou naturel. Bien plus, précisément parce qu’il est naturel de considérer les choses de ces trois manières, il est naturel de supposer, non qu’un de ces modes devra être épuisé, traversé, avant que l’autre soin abordé, mais qu’ils seront simultanés dans leur origine et parallèles dans leur développement[1]. »


IV

L’histoire nous a montré que le positivisme n’a que des idées superficielles et peu exactes sur les doctrines qu’il comprend sous le nom de métaphysique. Toutefois il faut convenir qu’elle lui prête son plus fort argument contre cet ordre de recherches. Cet argument, c’est l’inconsistance des systèmes philosophiques qui se contredisent et se remplacent incessamment sans qu’aucun puisse trouver une base solide pour s’établir définitivement sur les ruines qu’il a faîtes. Que le positivisme n’ait compris ni la grandeur de ces systèmes, ni l’importance des problèmes qu’ils tentent de résoudre ; qu’il n’ait pas saisi l’enchaînement de vérités fécondes et immortelles qui frappent l’attention de tous les historiens sérieux de la philosophie, cela ne fait nul doute pour quiconque connaît à fond cette histoire. Il n’en reste pas moins vrai que le travail de l’esprit humain n’est pas le même dans la métaphysique que dans la science. Ici, il se révèle par une série de vérités acquises qui s’ajoutent les unes aux autres, tandis que là il s’annonce par une succession de conceptions plus ou moins hypothétiques qui se contredisent et se détruisent. Ces belles et profondes œuvres de Platon, d’Aristote, de Malebranche, de Leibniz, de Schelling, de Hegel, que le positivisme connaît si peu et réduit à si peu de chose, ont pu laisser une grande tradition ; elles n’ont pas fondé une science proprement dite, dont les problèmes posés aient reçu une solution définitive. Ces problèmes reparaissent à chaque époque et dans chaque doctrine, sous d’autres formes sans doute, que l’on peut considérer comme plus précises et plus en rapport avec l’esprit de l’époque, avec des développemens qui marquent un progrès plus ou moins notable de la pensée, mais sans laisser de solution qui mette-fin au débat, ni d’espoir qu’on puisse clore un jour le débat sur cet ordre de questions transcendantes.

Un fait aussi manifeste et constant ne se conteste pas. Ce qui

  1. La Philosophie de l’histoire en France, page 324-325.