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dieux de l’Olympe reparaissent transfigurés par la métaphysique de Pythagore et de Platon, que renouvellent les Apollonius de Tyanes, les Porphyre et les Jamblique. Ce ne fut guère qu’un rêve sans doute, mais ce rêve a été aussi celui de certaines écoles et de certaines classes d’élite dans nos sociétés modernes. Tant il est vrai qu’il existe dans les profondeurs de l’âme humaine des instincts divers et même contraires qui se tempèrent par leur action réciproque, de façon à ne point laisser l’esprit se fixer dans un état simple, tel que le suppose la formule positiviste !

S’il est une théologie qui répugne à la définition d’Auguste Comte, c’est la théologie chrétienne, œuvre à laquelle la philosophie grecque n’a pas moins de part que la tradition judaïque. La métaphysique fait, on peut le dire, la substance en quelque sorte du dogme théologique de la trinité. Où le travail de l’abstraction est-il plus apparent que dans cette théologie alexandrine qui prévalut au concile de Nicée ? Sans nier les graves différences qui distinguent et séparent la trinité chrétienne de la trinité néoplatonicienne, est-il possible d’en méconnaître les ressemblances et les affinités ? L’anthropomorphisme, qui est, selon la formule positiviste, le caractère propre de toute théologie, ne se montre que dans l’incarnation de la seconde personne en Jésus-Christ. C’est là ce qui fait la part imaginative dans le dogme de la Trinité. Tout le reste, le Père, le Verbe, l’Esprit, sont des puissances métaphysiques, fruit d’une pensée abstraite à laquelle l’imagination est étrangère. Si les autres religions qui se partagent actuellement l’empire du monde avec le christianisme n’ont point la même valeur ni la même portée métaphysique que cette religion qui s’est épanouie au sein de la plus savante civilisation de l’antiquité, leur théologie n’en est pas moins difficile à ramener à la définition positiviste. Le dieu du Talmud et du Coran, beaucoup moins personnel au sens humain du mot que Jehovah, ne montre pas dans ces livres les passions, les desseins et la volonté qui, dans l’ancienne Bible, rapprochent la divinité de l’humanité. Quant au bouddhisme, dont la morale paraît être l’objet propre et le fond, on ne sait pas bien encore si sa théologie est autre que celle des brahmes, œuvre de spéculation métaphysique et d’imagination mystique tout à la fois d’où est sortie une série de dieux engendrés par un dieu suprême, aussi inaccessible qu’inintelligible. Est-ce de ces théologies qu’on peut dire qu’elles réalisent les causes premières sous des formes sensibles et concrètes ? En résumé, y a-t-il une conception moins anthropomorphique que celle des livres brahmaniques et bouddhiques, du Coran, de l’Évangile, du symbole de Nicée ? A qui s’adresse la prière du croyant, dans ces religions d’ailleurs si diverses ? A un dieu abstrait,