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fréquentés. Un collège européen, fondé récemment par lord Wellesley à Fort-William pour l’enseignement des langues du pays aux Européens, déclinait sensiblement faute des fonds nécessaires à son entretien. Lord Minto, qui avait l’esprit cultivé, prit d’autorité le titre d’inspecteur des études et trouva le temps, au milieu de ses occupations si multiples, d’en exercer les fonctions. Il alla jusqu’à fournir aux dépenses sur ses ressources personnelles afin d’encourager les études. Il prit soin de faire enseigner à Fort-William non-seulement tous les idiomes de la péninsule indienne, mais encore ceux des îles et des provinces éloignées qui pouvaient passer un jour sous le joug de l’Angleterre. On comprend l’avantage que les Anglais devaient trouver à se familiariser ainsi avec les langues du pays. Dans les administrations comme dans les tribunaux, dans les comptoirs du commerce comme dans l’armée, ils arrivaient à se passer d’interprètes, et les officiers n’étaient que mieux obéis en commandant à leurs cipayes dans leur propre langue. Sous l’impulsion de lord Minto, les presses de Fort-William mirent en circulation les grammaires et les livres d’étude à l’effet de populariser l’instruction en dehors des collèges. Ce sont de telles mesures qui servent les intérêts bien entendus d’une grande nation, et si nous ne pouvons, faute d’espace, donner une idée des vues élevées exposées par lord Minto dans les rapports adressés à son ministre, nous voulons du moins indiquer à quel point la sollicitude de ce sage et noble esprit s’étendait à tous les besoins de ses administrés. Les rapports insérés dans le volume qui nous occupe ont souvent trait à ce que lord Minto appelle l’équilibre des pouvoirs, c’est-à-dire la balance égale et si difficile à établir entre les intérêts du gouvernement, représentés par le gouverneur général, et ceux de la compagnie des Indes. Dès lors, il regardait comme une des plus grandes entraves à la liberté du commerce le monopole dont cette compagnie jouissait depuis sa fondation. Ce fut sur son avis qu’en 1813 un nouveau bail passé avec ladite compagnie lui retira ce monopole, sauf en ce qui concernait son commerce avec la Chine. Le gouvernement anglais, lorsqu’il procédait ainsi, essayait déjà par degrés de se substituer à la compagnie, dont les pouvoirs politiques n’ont toutefois été abolis que depuis une vingtaine d’années.

Outre ces soins accordés à l’administration intérieure, des faits d’un autre ordre obligèrent le gouverneur-général à déployer autant d’énergie que de décision. Des mesures rigoureuses qu’il dut prendre pour détruire la piraterie qui infestait les côtes du golfe Persique obtinrent un plein succès, mais il rencontra plus de difficultés à ramener dans les voies du devoir une partie de l’armée de Madras, qui venait de se révolter contre l’autorité civile. Ce n’était pas la première fois que de pareils soulèvemens avaient