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il restait conseiller à la cour de cassation jusqu’en 1869. C’est durant cette période qu’il réédita et refondit plusieurs de ses plus importans ouvrages et qu’il en composa de nouveaux ; il écrivait notamment celui qui a pour sujet le droit industriel. J’ai nommé déjà ses Traités si complets sur les brevets et sur les faillites, qui sont des œuvres juridiques magistrales. On doit y ajouter un Traité en deux volumes, qui ne fait pas moins autorité, sur la propriété littéraire et les droits d’auteur. De tels sujets allaient à la nature de son intelligence. Il recherchait toutes les questions où des principes d’ordre supérieur se trouvaient engagés. Il aimait à se trouver aux prises avec les complications et les obscurités des problèmes encore mal définis et des solutions livrées aux tâtonnemens d’une expérience insuffisante.

La philosophie l’attirait ; la difficulté, qui effraie les esprits ordinaires, le tentait. Il était servi à souhait, on peut le dire, par la matière alors si mal débrouillée des droits des inventeurs, droits difficiles à définir et non moins nécessaires à fixer. Jamais en effet on n’avait vu plus de découvertes et d’applications se déployer de plus de côtés en tous les genres. Nulle part peut-être le législateur ne se sentait plus souvent embarrassé et le juge arrêté par des droits de nature et de degré variables, inégaux, d’une constatation et d’une appréciation également peu commodes. Nulle part ne naissaient plus de conflits. Nulle part enfin la question d’équité d’un côté, la loi de l’autre ne risquaient autant de se trouver en désaccord. Les vrais inventeurs sont presque toujours sacrifiés ou subordonnés à des inventeurs médiocres qui s’enrichissent, à moins qu’ils ne soient dépouillés par les auteurs de perfectionnemens dont le mérite est encore plus faible. On ne triomphe pas de ces enchevêtremens de difficultés avec les seuls principes, mais sans eux les droits de l’inventeur resteraient eux-mêmes méconnus, et quoi qu’on pense de la législation des brevets, qui rencontre aujourd’hui des adversaires, il y a là tout un ordre de questions à résoudre. Il est trop clair qu’en matière d’inventions et de découvertes notre siècle ne pouvait s’en tenir aux idées du temps des corporations. Il n’y avait qu’un esprit philosophique qui pût, je ne dis pas distinguer toujours, mais rechercher avec une profondeur suffisante la part dans l’invention de ce qui est individuel et de ce qui est collectif. La question s’imposait avec une force nouvelle lorsqu’on voyait les mêmes découvertes éclater en plusieurs endroits à la fois, dans le nouveau monde et dans l’ancien, et nommer des auteurs rivaux qui s’en disputaient la gloire et les profits. On a dû se demander aussi s’il s’agissait ici d’une propriété véritable, ou d’un privilège à consacrer et à garantir par la loi, ou d’un de ces