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économiste sont réunies dans la Notice que M. Charles Richet, bien connu des lecteurs de la Revue, a consacrée à son grand-père. Le respect et l’affection, qui éclatent à chaque page, ne lui ont dicté aucun jugement outré. Je n’hésite pas à dire qu’une telle notice suffirait pour consacrer une mémoire. M. Charles Richet avait tout ce qui est nécessaire pour une telle appréciation. Esprit d’une culture générale, savant, et moraliste aussi lui dans des études expérimentales d’un ordre bien différent, il a parfaitement signalé ce qu’il y avait de philosophique dans l’œuvre qu’il analyse avec une grande sûreté de jugement. Quant à l’homme, nul n’avait plus de compétence pour parler de lui, et la ressemblance du portrait a dû frapper ceux qui ©nt connu M. Renouard pendant de longues années et qui l’ont eu pour confrère dans plus d’une société savante. Ce n’est pas nous qui contredirons M. Charles Richet quand il parle de cette bienveillance qui lui faisait accueillir, rechercher, encourager toute jeunesse laborieuse, portée vers les études que lui-même chérissait, bienveillance nécessairement plus vive encore lorsque les principes professés étaient ceux mêmes qu’il développait avec une conviction communicative. En voyant revivre cette figure ferme et sympathique dans une éloquente étude, nous éprouvions une certaine douceur à ces souvenirs, qui nous faisaient remonter le cours du temps jusqu’à ces études d’autrefois où nous l’avions en plus d’une circonstance trouvé comme guide et comme appui.

M. Renouard était né en 1794, dans cette bourgeoisie parisienne qui savait unir aux occupations du commerce la culture des goûts intellectuels et le mouvement des idées. Son père a conservé une grande notoriété dans la librairie jusqu’à un temps qui n’est pas assez éloigné encore pour que beaucoup de survivans n’aient pu le connaître, la laissé lui-même des écrits, qui semblent mettre sur la voie des travaux du fils par la nature des sujets et le caractère des opinions. Antoine-Augustin Renouard a traité plus d’un point d’économie politique et de droit dans sa jeunesse mêlée à la période révolutionnaire, un peu trop mêlée même, puisqu’il fut nommé de la fameuse commune. Il faut se hâter d’ajouter qu’il fut de ceux qui s’occupèrent plus d’affaires que de politique, et qu’il eut l’honneur de protester par une brochure d’un vif accent contre les destructions du vandalisme. Très jeune à cette époque, car il n’avait guère que vingt-huit ans, Antoine Renouard avait jeté ses vues sur la législation commerciale dans des écrits inspirés par l’esprit de réforme qu’il voulait porter dans les fabriques nationales (avant de devenir libraire, il avait été quelque temps lui-même fabricant de gazes). Il consacrait un écrit spécial