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tête renversée, tenant d’une main le thyrse et de l’autre une grande coupe à deux anses ; puis Bacchus ivre, et, le dernier, Vulcain, faisant un geste de consentement. La bacchante s’appelle Comodia ; elle personnifie non pas la comédie, mais le chant du cômos ou le cômos lui-même, la procession dionysiaque, enivrée par son dieu et le célébrant par les chants qu’il inspire. Ce cômos, cette pompe bachique, dont Vulcain consent à faire partie, c’est vraisemblablement la tradition figurée de représentations qui avaient égayé les spectateurs de Tarente ou de Syracuse. On peut croire qu’il terminait les Cômastes d’Épicharme : la plupart des pièces d’Aristophane finissent de même par une marche en procession, bachique, nuptiale, ou d’un autre caractère, et c’est là un souvenir évident de l’origine même de la comédie.

Ainsi ces peintures de vases, qui, sans être en rapport direct ni de date ni de provenance avec la comédie d’Épicharme, paraissent cependant issues de la comédie dorienne, rendent assez probable que le drame du poète de Syracuse a eu, au moins une fois, pour conclusion le spectacle d’une pompe dionysiaque mêlée de chants. Quant à la restitution de Grysar, qui divise cette comédie des Cômastes en trois actes, l’enchaînement de Junon sur le siège magique, la retraite de Vulcain à Lemnos, et son retour sur l’Olympe, elle est plus ingénieuse que vraisemblable, et l’on peut remarquer que, pour vouloir amplifier la composition dans Épicharme, il l’affaiblit. Car cette série de trois petits drames dans une pièce d’une étendue médiocre ne formerait qu’un ensemble assez lâche, et il est trop évident que l’effet n’en pouvait être aucunement comparable à celui des trilogies d’Eschyle.

Épicharme fit de la comédie une œuvre d’art, non-seulement par le développement de la fable et par la composition, mais aussi en la revêtant de la forme poétique qui lui était certainement étrangère avant lui. Tous ses fragmens se répartissent entre trois espèces de pieds, les ïambes, les trochées et les anapestes. Cette variété d’effets rythmiques indique chez le poète un art assez avancé pour approprier le mètre au sujet : deux de ses pièces, les Danseurs et le Chant de victoire, étaient tout entières écrites en anapestes, mesure consacrée à la marche et à la danse. Il n’est pas indifférent de remarquer que nous avons de son contemporain, l’ïambographe Ananius, dont le nom se rencontre dans un de ses vers, un fragment gastronomique ; l’ïambe était donc alors appliqué ailleurs qu’au théâtre à ce genre de sujet si aimé d’Épicharme. Du reste, dans l’emploi de ces différens mètres, il se permettait plus de liberté que ne l’avaient fait les poètes qui en avaient usé avant lui et que ne devaient le faire les comiques athéniens. La comédie