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muler dans le Banquet d’Athénée, paraît avoir été une perpétuelle satire de la gourmandise sicilienne.

Il est certain qu’il avait traité d’autres thèmes. Par exemple, les aventures d’Ulysse transfuge, — c’était le nom d’une comédie, — pénétrant dans l’intérieur de Troie et reconnu par Hélène, prêtaient assurément à plus d’une situation comique ; mais on ne sait rien de la façon dont elles étaient présentées. De tous les élémens comiques, ce qui se rapporte à la bonne chère est le seul qui ait survécu dans les dix-huit pièces mythologiques dont on a les titres. Il s’est également conservé dans les autres comédies. Ainsi celle qui était intitulée : la Terre et la Mer renfermait des développemens gastronomiques. Un débat était peut-être institué entre les deux élémens au sujet de la supériorité de leurs produits. La tradition de cette sorte de lutte n’était pas destinée à périr de sitôt, car Suétone nous raconte que l’empereur Tibère récompensa magnifiquement Asellius Sabinus pour son Concours entre le champignon et le becfigue, l’huître et la grive. Quelque esprit que l’auteur eût dépensé dans le détail, cela devait être singulièrement froid. C’est à Athènes, dans la période de verve inventive et de franche bouffonnerie, que les sujets de cette nature trouvèrent leur expression la plus plaisante et la mieux faite pour la scène. Les Poissons d’Archippus paraissent avoir été le chef-d’œuvre du genre. On sait que les poissons occupaient la place d’honneur sur les tables recherchées des anciens. Dans la pièce athénienne, ils soutenaient une guerre heureuse contre leurs ennemis les gourmands, et à la suite intervenait entre les belligérans un traité, en vertu duquel les vainqueurs rendaient les joueuses de flûte et certains viveurs spirituels, dont ils s’étaient emparés au grand dommage des festins privés de leurs meilleurs élémens de joie : en échange, ils recevaient pour leur pâture les gourmands voraces comme le poète tragique Mélanthius. Il est probable que ces qualités d’entrain et de spirituelle bonne humeur se trouvaient déjà dans le théâtre d’Épicharme, et l’on risquerait de se tromper si, sur la foi des titres et de quelques débris isolés, on prétendait juger de la variété d’invention de ces pièces. Elle se laisse un peu mieux apprécier dans ce qui nous est resté des pièces de la seconde classe, celles dont les sujets étaient directement empruntés à la vie réelle. Voyons ce que les textes et les indications anciennes peuvent nous donner sur la nature de cette seconde espèce de comédies.

D’abord c’est à elles qu’il semble le plus naturel de rapporter pour une bonne part un assez grand nombre d’observations et de conseils conservés dans des vers détachés, où se reconnaît encore l’influence pythagoricienne ou, plus exactement, la méditation du