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que renfermaient ces scènes et ces danses mimiques prirent un développement notable chez les Doriens de Mégare niséenne, et c’est ce qui leur donne, dans la question des origines de la comédie, des droits supérieurs à ceux des Doriens de Sicyone, chez lesquels s’était développé un autre élément important, le cômos, ou procession bachique. C’est un point sur lequel on n’a pas insisté, et cependant il n’en est pas qui se dégage plus nettement des renseignemens incomplets que nous fournit la critique ancienne. Il est indispensable de s’y arrêter et d’élucider, autant que possible, ces questions d’origine, si l’on veut rechercher en quoi a consisté l’invention d’Épicharme et ce qui en a déterminé le caractère.

Aristote, dont les indications, quelque insuffisantes qu’elles soient, nous fournissent notre plus précieux secours, rattache dans une vue générale la comédie à la poésie ïambique, et lui assigne pour origine particulière les improvisations des phallophores, c’est-à-dire de ceux qui prenaient part à la procession bachique du phallus. Or Sicyone se distingua par l’éclat de phallophories où l’élément ïambique avait sans doute sa place. Une curieuse description nous montre le chœur faisant son entrée par les différentes portes de la scène, le visage caché par une sorte de chevelure d’acanthe et de serpolet que surmontait une épaisse couronne de lierre et de violettes, vêtu d’une espèce de fourrure persane. Il s’avançait d’abord en bon ordre, conduit par le phallophore tout noir de suie, et chantant en l’honneur de Bacchus des vers traditionnels qui annonçaient la liberté des attaques auxquelles il allait se livrer ; puis ceux qui le composaient se mettaient à courir, s’arrêtaient tournés vers les spectateurs et les assaillaient de railleries personnelles et souvent licencieuses. Il y avait donc deux parties dans ces phallophories : une procession avec l’effet des costumes, et des improvisations satiriques du genre de celles que l’usage autorisait dans le culte d’autres divinités et qu’on appelait d’un nom particulier, le tôthasmos. Les ïambistes, dont il est question à Syracuse, débitaient probablement, dans une fête aussi brillante et sous une forme plus ou moins préparée, des satires de même nature ; l’ïambe se prêtait à l’improvisation. L’importance de cette partie satirique à Sicyone est attestée par une jolie épigramme de l’Anthologie :

« Bacchus a inventé les leçons d’une muse amie des jeux, en conduisant chez toi, ô Sicyone, le joyeux cortège des Grâces. Le blâme y revêt la forme la plus aimable, l’aiguillon s’y cache sous le rire ; c’est l’ivresse qui enseigne la sagesse à la cité. »

L’ancienne comédie des Athéniens n’eut guère de prétentions plus hautes. Elle avait du reste emprunté aux phallophories leurs