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UN POÈTE COMIQUE PHILOSOPHE.

tère particulier de précision et de méthode. Et surtout, quel autre philosophe que Pythagore se présente ainsi avec ce nombreux cortège de disciples des deux sexes façonnés corps et âme par la doctrine du maître ? Le pythagorisme répond dans la philosophie aux mystères dans la religion, tels qu’ils achevaient de se constituer à Éleusis vers le temps où il se formait lui-même. Mais il y a en sa faveur cette différence que l’idéal de pureté auquel l’initié, sous l’empire d’une disposition passagère, n’aspirait qu’un seul instant pendant la fête sainte était présent à l’esprit du pythagoricien tous les jours et à tous les momens de son existence. Son costume, ses alimens, son régime de vie sont soumis à une règle constante ; l’examen de conscience quotidien et la prière, d’autres pratiques pieuses et morales journellement accomplies, peuvent seuls le rendre digne de la félicité après sa mort. Enfin cette sorte de catéchisme étend l’empire de ses prescriptions sur toute la cité, soumise à l’autorité d’une aristocratie philosophique. Sous le gouvernement des instituts pythagoriciens, à Crotone, à Métaponte, sur d’autres points de la Grande-Grèce, en face des tyrannies, s’établit une forme nouvelle de cette eunomie dorienne, si admirée des philosophes et si incomplètement réalisée dans la Grèce propre. La réalité ne s’accommode pas longtemps des républiques idéales : la mobilité de l’esprit grec, l’amour de la liberté, les passions de toute sorte secouèrent bientôt le joug de ces confréries d’ascètes qui réglementaient la sagesse pour elles-mêmes et pour autrui. Mais les pythagoriciens dispersés allèrent répandre au loin les enseignemens de l’école, et il resta une trace profonde de cette science inspirée qui était apparue un jour armée de la parole de vie, et dont le charme austère, pénétrant les âmes d’élite, s’était fait sentir à des populations entières, docilement rangées sous sa loi. Pendant la jeunesse d’Épicharme, le pythagorisme était dans toute la force de sa première et merveilleuse expansion.

Il fut disciple de Pythagore, lit-on dans Diogène de Laërte. D’après un autre écrivain, Jamblique, il n’aurait été admis que parmi les disciples du dehors, et encore non pas du maître lui-même, mais du pythagoricien Arésas. Cela semblerait vouloir dire qu’Épicharme n’avait pas reçu la consécration supérieure ; il serait resté en dehors du voile, exclu de la vue des mystères, dans la classe des aspirans que huit années d’épreuves et de préparation retenaient au seuil du sanctuaire philosophique. Il est probable qu’il faut faire un pas de plus et refuser au poète comique aussi bien le premier degré que le degré supérieur de l’initiation. Quel qu’ait pu être le rapport qui unissait les doctrines spéculatives du pythagorisme et les pratiques à demi religieuses de la vie pythagorique,