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assemblée s’empressa d’adresser au roi ses doléances. Dès le début de ses séances, l’archevêque de Reims s’éleva, dans le discours qu’il adressa à Louis XV, en paroles indignées contre les attaques que la philosophie dirigeait contre la religion et sollicita une prompte répression ; car, disait-il, il importe d’opposer une digue au torrent qui, si on ne l’arrête, ne tardera pas à tout ravager. La compagnie rédigea un mémoire au roi pour demander la stricte exécution des lois à l’égard des protestans et réclamer l’application de la déclaration de 1724. Au moment de se séparer, elle renouvela ses objurgations. Elles furent comme un suprême appel à l’omnipotence royale, dernier boulevard sur lequel comptait le clergé, pour arrêter un flot qui devait trente ans plus tard submerger et ce trône et cet autel dont l’alliance ne fit que hâter la ruine.


IV

La guerre faite par la magistrature à l’épiscopat n’avait pu parvenir à le dépouiller de sa puissance spirituelle et de ses privilèges dans l’état. Le rappel des parlemens sous Louis XVI ne changea pas leur esprit et n’atténua que faiblement leur hostilité à l’égard du haut clergé. Le nouveau monarque, moins encore que son aïeul, était homme à prendre part pour les cours judiciaires contre l’église, et sa piété était à la fois trop timide et trop sincère pour qu’il songeât à entrer en lutte avec les doctrines ultramontaines. Louis XVI avait la ferme résolution de maintenir dans tous ses droits le clergé aux enseignemens duquel il se soumettait docilement. Mais si l’épiscopat demeura légalement investi d’un pouvoir auquel la puissance laïque avait vainement porté de rudes coups, il vit décliner tous les jours son autorité morale. Son action sur les conscience diminuait avec la foi chrétienne et le prestige dont il était entouré s’affaiblissait avec celui de la royauté. Les abus que condamnait l’opinion dans le gouvernement, il n’avait pas su toujours s’en défendre. Il avait subi l’influence du relâchement des mœurs qui s’était fait sentir dans toute la société, mais surtout chez les classes les plus élevées. Nombre de prélats menaient une existence fort mondaine, surtout ceux qui appartenaient aux plus nobles familles et n’étaient entrés dans l’église que pour obtenir des bénéfices propres à leur assurer une vie fastueuse et facile. S’ils ne donnaient généralement pas l’exemple de grands scandales, ils n’étaient pas à beaucoup près des modèles d’abnégation chrétienne, et le désaccord qui existait entre leur conduite et leurs enseignemens enlevait à ceux-ci presque toute autorité. Il n’y avait plus guère