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envoyaient tous les prélats l’encouragea à persévérer dans sa ligne de conduite. Pendant six mois, elle ne cessa de recevoir des cardinaux, des évêques du royaume, des témoignages d’approbation et de sympathie, et elle n’en renouvelait qu’avec plus de force ses protestations contre les arrêts des parlemens de province et les sentences des tribunaux dont les refus des sacremens étaient encore l’objet. Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse, fut chargé d’adresser à Louis XV, à la tête de la compagnie, le discours où les plaintes du clergé étaient formulées. Il représenta au monarque que les entreprises du parlement tendaient à dissoudre les liens de la hiérarchie ecclésiastique et à soustraire les fidèles à l’obéissance qu’ils doivent à leurs pasteurs. Il disait qu’elles renversaient l’économie entière de la religion, et qu’elles seraient le dernier présage et la cause de sa ruine, si le roi n’en prévenait les suites et n’en annulait les dispositions.

Louis XV était fort perplexe ; il se voyait sommé de prendre parti entre deux corps qu’il ne voulait pas blesser, plein de respect pour l’un et redoutant l’autre. Il évita d’abord de donner à l’assemblée une réponse précise et recourut à son procédé favori, les moyens dilatoires. Après avoir assuré l’assemblée de son zèle pour les intérêts de la religion, il promit d’examiner incessamment l’affaire en conseil. Puis dans une lettre destinée à répondre à de nouvelles instances, après avoir reproduit ses vagues assurances, il fit un pas de plus et déclara qu’il avait à cœur de conserver au clergé ses droits et ses privilèges ; mais il refusa à en dire davantage. « Ma sagesse, écrivait-il à la fin de sa lettre exige de moi de ne me point livrer dans le moment présent à d’autres vues que celles que j’ai bien voulu faire connaître au clergé, et je suis convaincu que son zèle et sa fidélité le porteront à finir enfin une affaire qu’il est important de terminer promptement. » La compagnie ne se découragea pas ; elle adressa au roi une lettre pleine de démonstrations d’amour et de dévouement à sa personne, ou l’appelle plus pressant était fait à sa justice et à sa piété, qu’on exaltait avec la plus hyperbolique adulation ; elle le suppliait de ne rien ordonner avant de lui avoir laissé le temps de mûrement délibérer sur les meilleurs moyens de concilier l’obéissance due au roi et les immunités du clergé, dont la défense était confiée aux députés de l’ordre ecclésiastique, afin qu’ils pussent soumettre à la couronne leurs résolutions à cet égard. Elle se mit ensuite à travailler activement à la rédaction d’un mémoire sur la compétence des assemblées générales en matière spirituelle qui devait être soumis au roi et au dauphin. Louis XV eût bien voulu étouffer l’affaire, mais les arrêts avaient fait tant de scandale qu’il était impossible de s’en tirer par