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de l’assemblée de 1765, ne pouvait manquer d’exciter la colère des parlemens. La nouvelle de l’envoi de ces actes dans les diocèses, souleva l’indignation du parlement de Paris. Le II septembre 1765, il rendait un arrêt qui en défendait, sous les plus grièves peines, la propagation et publication. Son exemple ne tarda pas à être suivi par les parlemens d’Aix, de Bordeaux, de Rouen et de Toulouse[1], qui rendirent des arrêts rédigés à peu près dans le même sens, et enjoignirent une observation plus stricte de la déclaration royale de 1754, contre laquelle le clergé n’avait cessé de protester. L’arrêt du parlement d’Aix dépassa en violence tous les autres. Il était précédé d’un réquisitoire fort injurieux pour le clergé, et qu’avait rédigé l’avocat général de Castillon. Les actes de l’assemblée y étaient stigmatisés comme tendant au schisme, et cette assemblée elle-même qualifiée d’illégitime. On y contestait que le clergé eût fait au roi une soumission sincère et loyale. On y représentait sa doctrine sur la constitution Unigenitus comme une nouveauté révoltante. On l’accusait de se couvrir de son prétendu accord avec le saint-siège pour faciliter ses intrigues, enfin on allait jusqu’à donner les censures que la compagnie avait prononcées contre les livres impies comme dictées uniquement par la préoccupation de fonder la compétence des assemblées du clergé en pareille matière. » Ce réquisitoire était un défi lancé au clergé, qui avait déjà obtenu en partie satisfaction pour ces réclamations contre la sentence de l’aréopage parisien. La cour ne s’était pas bornée à supprimer les actes de l’assemblée ; par un arrêt du 5 septembre, elle avait condamné à être livrée aux flammes, comme séditieuse et fanatique, la lettre que la même compagnie avait adressée à tous les évêques du royaume en vertu d’une délibération prise le 27 août précédent, et qui accompagnait l’envoi des actes. L’arrêt de suppression avait déjà profondément ému l’assemblée qui, en ayant délibéré dès le lendemain, décida qu’elle se rendrait en corps près du roi pour lui représenter les malheurs dont une telle conduite de la part du parlement menaçait l’église et l’état, et lui demander la cassation et l’annulation de l’arrêt. Tandis que la compagnie était en instance pour obtenir l’audience royale, la nouvelle du second arrêt lui parvint, et porta son irritation jusqu’à l’exaspération ; elle décida de joindre ce nouveau grief à ses doléances. L’adhésion à ces résolutions que lui

  1. Le parlement de Rouen alla beaucoup plus loin que celui de Paris. Non-seulement il déclara les Actes nuls et de nul effet, mais il défendit à la faculté de théologie de Caen de s’y conformer dans son enseignement ; et, deux lettres, l’une de l’évêque d’Évreux, l’autre de l’évêque de Bayeux, qui mentionnaient l’envoi de ces actes a leurs curés, furent, par les ordres de la cour, flétries et lacérées publiquement.