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vieilli d’un jour. Après Ottfried Muller, plusieurs autres critiques ont essayé de fournir la même carrière ; mais aucun d’eux n’a su porter dans cette étude la même largeur de vues et d’exposition ; aucun n’a su si bien allier la science la plus exacte et la plus précise à un sentiment délicat de la beauté et de l’originalité des lettres grecques. De tous ces ouvrages qui se succédaient à si bref intervalle, celui pourtant qui a peut-être rendu le plus de services à la science de l’antiquité, c’est le Manuel de l’archéologie de l’art, qui parut à Breslau en 1830[1]. Traduit en français, en anglais et en italien, il devint tout d’abord le guide indispensable de tous ceux qui voulaient s’initier à la connaissance de l’art antique, leur compagnon, leur ami de toutes les heures. C’est lui qui, dans toutes les universités où l’archéologie a conquis son droit de bourgeoisie, fournit aux maîtres les cadres de leur enseignement et qui met les élèves en mesure de compléter par leur travail personnel des leçons qui ne peuvent guère porter que sur une partie plus ou moins restreinte de ce vaste domaine.

La forme qu’Ottfried Muller a donnée à son ouvrage est celle du manuel, forme que de nombreux précédens avaient rendue familière à l’Allemagne savante. On sait le plan suivi d’ordinaire dans ce genre d’ouvrages. Les idées générales qui dominent chaque science, comme prémisses ou comme conclusion, les lois qu’elle établit, les grandes séries de faits et les formules qui les résument, sont exposées dans des paragraphes dont chacun porte un numéro d’ordre et se complète par une suite de notes imprimées en caractères plus fins. Dans ces notes sont indiquées les idées d’une importance secondaire et les applications particulières de chaque loi ; les assertions sommaires sont justifiées par des renvois aux ouvrages spéciaux d’où elles ont été tirées ; parfois même les plus importans des textes que l’auteur a visés sont transcrits en entier. Le lecteur est-il pressé, n’a-t-il pas l’intention d’approfondir, pour le moment, telle ou telle partie de la science, ces citations le dispensent de recourir à des livres qu’il aurait souvent peine à se procurer. A-t-il au contraire l’ambition de pénétrer plus avant et de creuser telle ou telle matière, cette bibliographie lui fait gagner bien du temps ; elle lui permet d’aller tout droit, pour chaque sujet, aux sources les plus riches et les plus pures. Une des causes qui retardent encore en France le progrès des études, c’est que de pareils

  1. Handbuch der Archœologie der Kunst, 1 vol. in-8o. La traduction française, due à M. P. Nicard, forme trois volumes de la collection de manuels connue sous le nom d’Encyclopédie Roret. Elle a paru en 1841 ; le traducteur n’a donc pas profité des additions et corrections dont Welcker a enrichi l’édition qu’il a donnée en 1848. Ce qui rend pourtant cette version utile à consulter, ce sont les tables dont il l’a pourvue, tables qui manquent a l’édition allemande.