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des manuels excellens et riches de faits comme ceux de Bernhardy, de Baehr et de Teuffel ; mais existe-t-il en Angleterre, en France, même en Allemagne, un seul ouvrage qui retrace avec un détail suffisant toute l’histoire de l’art antique, qui le suive, dans ses progrès et ses transformations, depuis les origines jusqu’à la décadence finale, jusqu’au temps où le christianisme et l’invasion des barbares achèvent de dissoudre le monde ancien et préparent la naissance du monde moderne, d’une société nouvelle et d’un art nouveau ?

On répondra peut-être à cette question en nous citant le titre d’un livre qui jouit, chez nos voisins, d’une assez grande réputation ; nous voulons parler de l’Histoire des arts plastiques, de Karl Schnaase[1]. L’ouvrage a, pour le public français, un premier défaut ; il n’est point traduit, et les dimensions en sont trop considérables pour qu’il ait chance de l’être jamais. Trouvât-il, par aventure, un traducteur et un éditeur, nous n’oserions répondre que ceux-ci fussent payés de leur peine par le succès du livre. L’ouvrage a sans doute des qualités sérieuses. L’exposition est claire ; le style est simple et sans prétention ; enfin, pour parcourir sans fatigue une si longue carrière, pour ne rien oublier d’important sur ce long chemin qui conduit l’auteur depuis l’Égypte et l’Inde jusqu’à l’art contemporain, il a fallu beaucoup de patience et de science, une attention soutenue et une variété d’études qui ne sont pas vulgaires. C’est là d’ailleurs qu’était l’écueil ; il était difficile, pour ne pas dire impossible, qu’un seul homme parlât avec la même compétence de l’art oriental, de l’art grec et romain, de l’art du moyen âge et de l’art moderne. Comme on pouvait s’y attendre, toutes les parties de ce vaste ensemble sont loin d’avoir une valeur égale, et c’est l’antiquité qui est sacrifiée.

Sur les huit volumes qui composent l’ouvrage, il n’y en a que deux pour l’antiquité, et, de l’aveu général, ce ne sont pas les meilleurs. Ils ont été rédigés, dans la seconde édition, par des collaborateurs, Carl von Lutzow pour l’Orient et Carl Friedrichs pour la Grèce et Rome. Les chapitres consacrés à la Chaldée, à l’Assyrie, à la Perse, à la Phénicie et à l’Égypte sont vraiment insuffisans ; aucune question n’y est creusée à fond : pas de vues personnelles, mais des considérations banales qui ne résolvent aucun des problèmes dont se préoccupent aujourd’hui les archéologues. Les figures sont trop peu nombreuses pour rendre grand service au lecteur ; elles n’ont d’ailleurs jamais été dessinées d’après les monumens originaux ; on les a toutes calquées dans des ouvrages

  1. Geschichte der bildenden Künste, 2e édition, corrigée et augmentée, avec des gravures sur bois dans le texte, 8 volumes in-8o, 1865-1873.