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plus opposées. La loi a fini par triompher à quelques voix de majorité ; mais elle est sortie de la discussion à peu près mutilée, ayant perdu en chemin quelques-unes de ses dispositions principales, l’article premier qui donnait au gouvernement un pouvoir par trop discrétionnaire, l’article 4 qui autorisait la rentrée des évêques dans leurs diocèses ; en revanche les curés pourront rentrer dans leurs paroisses. C’est en définitive une œuvre assez hybride qui ne résout rien, qui ne finit rien, et au fond peut-être M. de Bismarck s’en inquiète-t-il peu, puisqu’il garde la liberté de ses mouvemens. Le seul point évident dans cette confusion même, c’est que les lois de mai 1873 ont fait leur temps. Le chancelier, sans se demander s’il ira ou s’il n’ira pas à Canossa, marche vers la paix religieuse. Il semble vouloir laisser à d’autres le soin de reprendre une œuvre de combat qu’il juge vaine et mauvaise pour l’Allemagne.

À peine la guerre religieuse semble-t-elle s’éteindre ou s’adoucir d’un côté en effet, elle se rallume sur d’autres points. Nous ne parlons pas de la France. La Belgique à son tour entre dans la voie des conflits avoués et déclarés. Le cabinet de Bruxelles vient de rappeler sa légation de Rome, de rompre ses relations avec le saint-siège, et ce qu’il y a de plus grave, c’est que cette rupture qui atteint une opinion puissante, qui ne peut que ranimer des guerres de partis déjà assez violentes, coïncide avec la célébration prochaine de l’anniversaire de l’affranchissement national, de la première cinquantaine de l’indépendance belge. C’est une coïncidence au moins malheureuse. La querelle est venue de la loi nouvelle qui a été faite sur l’enseignement primaire et qui a restreint, resserré l’intervention de l’église dans les écoles. Cette loi a soulevé les protestations véhémentes de l’épiscopat belge, qui s’est cru obligé de répondre à ce qu’il considérait comme la guerre du gouvernement par une guerre de mandemens, de condamnations et d’excommunications. Lorsqu’à la fin de l’année dernière, la question a été portée devant le parlement, le chef du cabinet, qui est un esprit éclairé, donnait des explications qui semblaient laisser entrevoir certaines possibilités d’apaisement. Il résultait des discours de M. Frère-Orban que le pape Léon XIII avait tenu le langage le plus conciliant, que, sans désavouer les évêques belges, il n’était pas loin de blâmer les excès de langage, encore plus les mesures pastorales propres à aggraver les divisions. Qu’est-il arrivé ? on s’est efforcé d’un côté de compromettre le pape contre les évêques ; les catholiques ardens de leur côté n’ont rien négligé pour entraîner le souverain pontife dans leur querelle. La lutte s’est envenimée, des indiscrétions ont été commises, on a cru démêler dans le langage de la cour de Rome des contradictions dont le cabinet s’est Laissé piquer, et la rupture s’en est suivie. Une fois encore ce sont les violens qui l’ont emporté, c’est la modération qui a été vaincue. Le cabinet de Bruxelles s’est peut-être un peu hâté dans cette affaire. Où était la nécessité de recourir à une rupture déclarée ?