qu’au second rang. Il se hâtait de mettre à tout son puissant cachet ; mais ce terrible homme avait une manière à lui de célébrer les fêtes, les anniversaires. Il n’était que depuis quelques mois au pouvoir, déjà il pouvait faire arriver de l’armée d’Italie la garde consulaire, avec « les drapeaux pris à Marengo, » pour assister à la fête, qu’il fallait « s’étudier à rendre brillante, » en évitant » disait-il, « de singer les fêtes qui ont eu lieu jusqu’à ce jour. » Le fait est, on en conviendra, que les drapeaux de Marengo ne gâtaient rien dans la cérémonie. Encore au moment de l’empire, Napoléon avait soin de lier au règne nouveau la date qu’il avait adoptée. Il célébrait la fête au milieu de ses soldats, au camp de Boulogne ; il choisissait ce jour pour ses distributions de la Légion d’honneur, pour recevoir les sermens. « Je désire, disait-il à son sénat conservateur, que nous puissions dire au peuple français le 14 juillet de cette année : Il y a quinze ans, par un mouvement spontané, vous courûtes aux armes, vous acquîtes la liberté, l’égalité et la gloire. Aujourd’hui ces premiers biens des nations, assurés sans retour, sont à l’abri des tempêtes. Des institutions conçues et commencées au sein des orages de la guerre intérieure et extérieure, développées avec constance, viennent de se terminer par l’adoption de ce que l’expérience des siècles et des peuples a démontré propre à garantir les droits que la nation avait jugés nécessaires à sa dignité, à sa liberté. » Et voilà comment on se trompe quand on écrit sur les murs de Paris que le peuple français célèbre pour la première fois la prise de la Bastille. Il l’a célébrée sous l’empire : on peut bien emprunter à Napoléon ses fêtes, puisqu’on lui emprunte ses décrets de messidor et ses procédés « à l’extraordinaire. » Seulement une république libérale, aspirant à se fonder et à vivre, aurait pu à coup sûr mieux choisir, ou elle aurait pu tout au moins donner à cette date du 14 juillet un autre caractère, une autre couleur, une autre signification par une politique de large équité, de conciliation nationale. On ne songe pas à tout lorsqu’on éprouve le besoin de pavoiser, d’illuminer et de se réjouir, de montrer qu’on peut avoir ses fêtes et ses anniversaires comme tous les gouvernemens, — à qui les anniversaires et les fêtes n’ont pourtant pas toujours profité.
Le malheur est que les réjouissances n’ont qu’un jour, que les illuminations passent, que les faveurs distribuées d’une main prodigue ne sont que pour ceux qui les reçoivent, et que ces expansions de joie publique, ces étourdissemens éphémères ne changent pas les situations, ne voilent que pour un instant les faiblesses d’une politique sans ressort, sans puissance et sans direction. C’est là toute la question au lendemain comme à la veille du 14 juillet. Rien ne peut faire que les choses ne soient pas ce qu’elles sont et que le gouvernement ne se soit pas placé lui-même plus ou moins volontairement dans cette condition où il reste à la merci des incidens et des pressions qu’il subît, des difficultés qu’il se crée, qu’il accumule pour lui, pour le pays tout entier.